J’en ai la preuve
Elle s'appelait Georgette Choisy. Pourquoi ?
Et bien parce que dans ce temps là, on ne se cassait
pas la tête : elle est née dans un train, en gare de Choisy, le 23 avril,
jour de la Saint Georges.
Elle avait à peine deux heures quand le chef de gare
I'a trouvée simplement enveloppée dans un linge brodé, et bien entendu,
elle n'avait plus de mère à coté d'elle.
La vie commençait bien mal pour cette petite fille, et
pourtant son destin fut hors du commun.
Recueillie par la DDASS.
C’était, les fermiers pas bien riches et qu’ils avaient
souvent recours aux enfants de la DDASS, comme main d'oeuvre qui ne
revenait pas chère. Aucune obligation de leur donner une éducation, il y
avait juste à les nourrir (les restes souvent faisaient I'affaire) et à
les héberger (une simple paillasse etait jugée suffisante). Quant à les
faire travailler, ça, on savait faire et ces pauvres petits survivaient
comme ils pouvaient, I'affection pouvant être remplacée par les coups.
C'est dans une de ces fermes que Georgette a connu un
ouvrier agricole, également placé comme elle, et aussi malheureux qu'elle.
A l'âge de I'adolescence et des premiers mois amoureux ces jeunes gens
s'identifièrent, se reconnurent, et se plurent.... Et comme c'était moins
compliqué dans leurs têtes que dans leurs vies, ils se marièrent tout
simplement.
Une vie qui s'annonçait un peu plus paisible ; lui,
cantonnier et garde-champêtre était connu et apprécié de tous. Elle, se
consacrait à sa famille, entretenait sa maison et élevait ses enfants en
leur donnant tout l'amour qu'elle n'avait pas reçue.
Des enfants, ils en eurent onze ensemble. Peut-être pas
tous souhaités au moment où ils sont arrivés car on ne maîtrisait pas tout
comme maintenant, mais tous aimés de la même façon quand ils furent là
dans la maison.
Mais comme de l'amour elle en avait à revendre
Georgette, elle décide de prendre à son domicile des enfants de la DDASS
pour leur donner la chance qu'elle n'avait pas eue.
Elle en a accueilli dix-sept, ne séparant jamais les
fratries !
La 17é était une fille adoptable à la naissance et,
comme pour terminer en beauté, Georgette I'a adoptée. Elle porte donc son
nom de famille.
Tous ces enfants, étaient la fierté de Georgette. Elle
n'a fait aucune différence entre ceux qu'elle a mis au monde et ceux qu'on
lui confiant. C'était « ses enfants ».
Ils ont tous fait les études qui leur convenaient les
menant vers des métiers manuels ou intellectuels.
C'était une femme simple
et pure. Sa vision de l'Eglise était également simple et pure. Elle y
voyait le symbole de la justice, de l'équité de la loyauté de la bonté de
I'amour divin. Dieu en était le représentant, le garant, et comme elle
voulait le meilleur pour ses enfants, il était normal qu'elle les « confie
» à Dieu.
Ils ont tous été baptisé,
ont tous reçu une éducation religieuse, ont tous fait leur communion (à
l'époque les garçons avaient le premier costume et un brassard blanc, et
les filles une jolie robe blanche avec le voile qui les faisaient
ressembler d des petites mariées...)
Les garçons servaient la
messe, et dans le jardin de Georgette, il y poussaient des glaïeuls et des
dahlias de toutes les couleurs qu'elle coupait et disposait dans les vases
de I'autel pour que la petite église soit bien décorée le dimanche.
Les nappes et les
napperons bien repassés, c'était encore Georgette.
Un de ses fils voulait
même être prêtre et il a suivi le petit et le grand séminaire, mais il a
renoncé avant de prononcer ses voeux et a fondé lui-même une famille par
la suite.
Le premier drame dans sa
vie a été la mort d’un de ses enfants à onze ans.
C’était après la guerre de
40 en jouant avec des copains dans un souterrain. Il a trouvé et ramassé
un objet qu’il a explosé dans les mains et I'a déchiqueté.
La douleur d'une mère ne
se commande pas, mais il a été vécu comme un accident, comme une fatalité
du destin et la guerre et ses horreurs, plus que dieu a été mis en cause.
une quinzaine d,année plus
tard, un autre de ses fils qui faisait son apprentissage de couvreur est
tomée du toit qu'il était entrain de couvrir et a fait une chute mortelle.
Elle ne comprenait pas,
elle n'acceptait pas ce qui arrivait'
Pourquoi une telle
destinée a « un garçon si gentil » disait-elle, et dans ses propos on
entendait une pointe d'injustice. Mais, c'était un accident, et personne
n'était en cause vraiment'
Pas encore Dieu en tout
cas ' ' '
Et puis il y a eu ce
hold-up dans une banque et la gendarmerie se lançant à la poursuite des
voleurs.
Son fils était un des
gendarmes à moto et c'est dans un virage que des gravillons l’ont fait
tomber le tuant sur le coup, laissant une femme enceinte et un enfant de 1
an
Quand Georgette a appris
la terrible nouvelle, un sentiment de révolte I'a envahi : c'est
impossible ! Pourquoi lui alors que les voleurs ont pu s'échapper !
Et il y a eu un retour sur
sa vie et sur ses injustices : sa naissance son enfance, et maintenant un
troisième enfant qui lui était enlevé'
Qui permet de telles
injustices ? Pourquoi ?
Et oui pourquoi ? Alors
Georgette, si calme, si paisible, si confiante, a croisé dans le village
une voisine compatissante qui lui a dit : « ma pauvre, un tel malheur.. tu
sais, on va bien prier pour toi et pour ton fils à l'église dimanche »
Sa réponse fut la
conclusion :
l'église ? Je n'irai Plus
jamais !
Dieu ? Je n'Y crois Plus !
Dieu n'existe Pas, j'en ai
la Preuve !
Elle a tenu Parole.
Elie n’a plus jamais
repassé les napperons de I'autel, et maintenant les glaïeuls et les
dahlias coupés sont dans des vases sur la tombe de ses enfants.
C'était l'histoire vécue
de Georgette Choisy, celle qui n'avait pas choisi sa vie mais qui avait su
lui donner un sens.
Souvenir de Madeleine