La domination humaine —
Partie 1 —les gouvernements
LES bouleversements politiques spectaculaires dont
l’Europe a été le théâtre en 1989 ont attiré comme jamais
l’attention du monde sur la notion de gouvernement. Un hebdomadaire a
fait observer que “1989 restera, non pas l’année qui aura vu
l’Europe de l’Est changer, mais l’année où l’Europe de l’Est
telle qu’on la connaissait depuis 40 ans a disparu”.
Un membre de l’équipe chargée d’élaborer la
politique du ministère américain des Affaires étrangères, Francis
Fukuyama, est allé plus loin en écrivant: “Ce à quoi nous assistons
n’est peut-être pas seulement la fin de la guerre froide, c’est-à-dire
l’achèvement d’une période particulière de l’après-guerre,
mais la fin de l’Histoire en tant que telle, l’aboutissement de l’évolution
idéologique de l’humanité.”
Même s’il est loin de faire l’unanimité, ce
point de vue a le mérite de mettre en lumière un certain nombre de
questions fondamentales. Par exemple, quel bilan peut-on dresser des siècles
de domination humaine qui sont derrière nous? L’humanité a-t-elle
effectivement atteint un stade qui constitue “la fin de l’Histoire
en tant que telle”? Quel avenir attend au juste les gouvernements, et
quelles conséquences ces événements auront-ils sur chacun de nous?
Comment les gouvernements
sont-ils perçus?
Des millions de personnes sont manifestement déçues
par leurs responsables politiques. C’est le cas, non seulement en
Europe, mais également, à des degrés divers, partout dans le monde.
Prenons l’exemple de l’Amérique latine.
À la fin de 1988, un important journal
professionnel allemand a décrit la situation politique de cette région
du monde comme n’étant “guère plus qu’un tas de ruines”.
Entrant dans les détails, il ajoutait: “L’économie (...) de
l’Argentine se désagrège. Le Brésil menace de devenir
ingouvernable. Le Pérou est au bout du rouleau. L’Uruguay s’en sort
tant bien que mal. L’Équateur essaie de prendre la pleine mesure de
ce qui est incontestablement une situation critique.
La Colombie
et le Venezuela (...) maintiennent une fragile tradition démocratique.
Au Mexique, la stabilité d’un parti dirigeant qui gouverne sans
partage depuis 50 ans (...) se désintègre aux yeux de tous. Les
années 80 sont d’ores et déjà considérées comme une ‘décennie
perdue’.”
En certains endroits, la popularité des hommes
politiques est au plus bas. Ainsi, quand on a demandé aux Autrichiens
de ranger 21 occupations par ordre de prestige, la fonction
d’homme politique est arrivée en 19e position. En République
fédérale d’Allemagne, 62 % des personnes interrogées dans le
cadre d’un sondage ont dit n’avoir guère confiance dans les hommes
politiques.
D’après le professeur Reinhold Bergler,
directeur de l’Institut de psychologie de l’université de Bonn,
“les jeunes sont sur le point de tourner le dos à l’État, à la
politique et à ses représentants”. Il a révélé que pour 46 %
d’entre eux les hommes politiques “parlent à tort et à travers”,
44 % les jugeant vénaux.
Voici ce qu’on a écrit à la suite d’un
sondage effectué aux États-Unis dans les années 70: “Les gens
sont convaincus que le système (politique) est si insensible et si véreux
qu’il ne peut servir les aspirations des électeurs.” En conséquence,
le nombre d’Américains qui pensent que les hommes politiques ‘ne
s’intéressent pas réellement à eux’ s’est régulièrement
accru, passant de 29 % en 1966 à 58 % dans les années 80.
Justifiant ce jugement de valeur, le quotidien allemand Stuttgarter
Nachrichten écrit: “Trop d’hommes politiques pensent
d’abord à leurs intérêts; ensuite, éventuellement, à ceux de
leurs électeurs.”
Il est donc compréhensible de voir la politique
susciter de plus en plus d’indifférence. En 1980, seulement 53 %
des citoyens américains inscrits sur les listes électorales se sont
rendus aux urnes. C’était la cinquième baisse de participation consécutive.
En 1988, le nombre de votants est tombé à 50 % seulement.
Les hommes politiques ne nient pas les faits.
L’un d’eux, qui fut l’un des principaux dirigeants du monde, a
fait un jour cet aveu: “Il y a de l’hypocrisie (...) et bien
d’autres choses dans la politique.” En expliquant la raison, il a
ajouté: “C’est ainsi qu’il faut agir pour obtenir un poste et
pour y rester.” C’est à Richard Nixon, ancien président des États-Unis,
que l’on doit ces paroles. Au vu des scandales qui l’ont amené à démissionner,
nul doute qu’il savait de quoi il parlait.
Compte tenu des insuffisances de la politique, les
personnes sincères se demandent si l’existence d’un bon
gouvernement ne relève pas de l’utopie. Le monde ne se porterait-il
finalement pas mieux sans gouvernement? Serait-ce la solution?
Avons-nous vraiment besoin de
gouvernements?
ANARCHIE: Absence de toute forme d’autorité
politique, se traduisant par une société dépourvue de gouvernement et
dont les membres revendiquent la liberté absolue pour chacun.
LE PHILOSOPHE grec Aristote considérait que toutes
les formes de gouvernement humain étaient, par essence, instables et
transitoires. Selon un auteur, il disait que “la stabilité de tout régime
est minée par le pouvoir corrosif du temps”.
Il ne faut donc pas s’étonner qu’il se trouve
des gens pour prôner, si ce n’est l’absence totale d’autorité
gouvernementale, du moins une intervention la plus limitée possible de
sa part. Ce refus de l’autorité s’apparente en fait à
l’anarchie, terme dont la racine grecque signifie “absence du
chef”.
Le mot “anarchie” fut utilisé en 1840, il y a
exactement 150 ans, par Proudhon, un penseur politique français.
C’est toutefois l’Anglais Gerrard Winstanley qui, deux siècles plus
tôt, avait défini la pensée anarchiste.
La Nouvelle Encyclopédie
britannique explique que “Winstanley établit ce qui allait
devenir les principes fondamentaux de l’anarchisme: le pouvoir
corrompt; la propriété est incompatible avec la liberté; l’autorité
et la propriété sont mère du crime; une vie libre et heureuse n’est
possible que dans une société sans dirigeant, où le travail et la
production sont partagés, et où les actions de chacun sont régies non
par des lois imposées d’en haut mais par la conscience”.
Pourtant, l’expérience ne nous enseigne-t-elle
pas que tout groupe a besoin d’une structure à l’intérieur de
laquelle évoluer? “Depuis les temps les plus reculés, observe
la World Book
Encyclopedia, l’autorité gouvernementale a occupé une place
prépondérante dans toutes les sociétés. (...) N’importe quel
groupe, qu’il s’agisse d’une famille ou d’une nation, se donne
des règles de conduite pour régir la vie de ses membres.”
Comment pourrait-il sans cela atteindre les objectifs qu’il s’est
fixés pour le bien de tous?
Pour cette raison, la majorité des gens trouvent légitime
que certaines institutions détiennent un droit à exercer l’autorité
et à prendre des décisions pour le bien de la collectivité.
L’absence de gouvernement amènerait chaque individu à se laisser
guider par sa conscience, comme le préconisait Winstanley. L’unité
s’en trouverait-elle renforcée? Chacun n’aurait-il pas plutôt
tendance à favoriser ses intérêts personnels, souvent aux dépens des
droits pourtant tout aussi légitimes des autres?
L’anarchie n’a en rien amélioré le sort de
l’humanité. Ce constat d’échec vaut également pour les
terroristes du XXe siècle, qui cherchent à déstabiliser
la société, à détruire ce qu’ils jugent destructeur pour eux.
En résumé, l’absence de gouvernement est une
porte ouverte au chaos. La question est donc moins de savoir s’il faut
ou non un gouvernement que de trouver le type de gouvernement qui réussira
le mieux.
Les origines de
la domination humaine
À l’origine, lorsqu’il fut placé dans le
jardin d’Éden voilà un peu plus de 6 000 ans, l’homme se
trouvait sous la domination de Dieu. Le Créateur avait clairement fait
savoir que l’humanité dépendait de lui et de sa direction, conformément
au principe suivant énoncé plus tard dans
la Bible
: “Il n’appartient pas à l’homme qui marche de diriger son
pas.” (Jérémie 10:23). Idée
qu’on retrouve dans ce proverbe chinois: “Sans l’aide du ciel,
l’homme ne peut avancer d’un pouce.”
Ce n’est pas ainsi que le premier couple vit la
chose. Adam et Ève choisirent de marcher “sans l’aide du ciel”,
en conséquence de quoi ils durent quitter le Paradis que Dieu leur
avait donné. Par la suite, la famille humaine s’agrandissant, le
besoin de règles pour assurer la paix et l’ordre se fit sentir. La
domination divine ayant été rejetée, c’est la domination humaine
qui, par la force des choses, vint combler le vide.
Genèse 3:1-5 « Or le serpent
était la plus prudente de toutes les bêtes sauvages des champs
qu’avait faites Jéhovah Dieu. Et il se mit à dire à la femme :
“ Est-ce vrai que Dieu a dit que vous ne devez pas manger de tout
arbre du jardin ? ” 2 Mais la femme
dit au serpent : “ Du fruit des arbres du jardin nous
pouvons manger. 3 Mais quant à [manger] du fruit
de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : ‘ Vous
ne devez pas en manger, non, vous ne devez pas y toucher, afin que vous
ne mouriez pas. ’ ” 4 Cependant le
serpent dit à la femme : “ Vous ne mourrez pas du tout. 5 Car
Dieu sait que, le jour même où vous en mangerez, vos yeux ne
manqueront pas de s’ouvrir et, à coup sûr, vous serez comme Dieu,
connaissant le bon et le mauvais. ” »
Semblables et pourtant
différents
Depuis ce départ qui ne laissait augurer rien de
bon, les gouvernements humains ont revêtu quantité de formes. Qu’ils
soient réduits à leur plus simple expression ou extrêmement
complexes, on retrouve chez tous certaines constantes. En voici
quelques-unes:
Les gouvernements s’occupent
des besoins de leurs
sujets. Un gouvernement qui ne le fait pas perd sa légitimité.
Les gouvernements promulguent
des codes de conduite,
dont le non-respect fait encourir des sanctions. Ces codes sont composés
de règles et de lois, ainsi que de traditions apparues au cours des siècles.
La plupart des citoyens obéissent à ce code parce qu’ils en
discernent le bien-fondé, par sens du devoir, pour faire comme tout le
monde, ou, plus prosaïquement, par crainte du châtiment.
Les gouvernements pourvoient
à des services législatifs,
exécutifs et judiciaires par
le truchement de dispositions prévues à cet effet. On promulgue des
lois, on administre la justice, on met en œuvre des politiques.
Les gouvernements maintiennent
d’étroites relations économiques
avec le monde du commerce.
Les gouvernements font
souvent alliance avec une
religion, plus ou moins étroitement. Cette union confère
à leur autorité une certaine légitimité — ‘la bénédiction du
ciel’ — qui autrement leur ferait défaut.
Bien entendu, les gouvernements présentent également
des différences. Les politologues ont de nombreuses façons de les répertorier.
“Il y a par exemple, dit
la Nouvelle Encyclopédie
britannique, la distinction classique basée sur le nombre de
dirigeants: un seul (monarchie ou despotisme), quelques-uns
(aristocratie ou oligarchie), la masse (démocratie).”
Les gouvernements sont parfois classés selon leurs
institutions dominantes (parlement, conseil des ministres), leur
structure économique, les principes fondamentaux de leur autorité
politique (traditionnelle, charismatique), ou bien encore la façon dont
ils usent ou abusent du pouvoir. “Si aucun de ces principes
analytiques ne regroupe à lui seul tous les cas de figures, lit-on dans
l’encyclopédie précitée, tous ont néanmoins quelque valeur.”
Cependant, quelle que soit la méthode de
classification utilisée, il convient surtout de garder présent à
l’esprit que pour toutes ces formes de domination humaine, sans
exception, l’heure du bilan a sonné. Et ce bilan aura des conséquences
d’une portée considérable pour chacun d’entre nous.
À propos des autorités gouvernementales en place,
l’apôtre Paul a écrit: “Que toute âme soit soumise aux autorités
supérieures.” (Romains 13:1, 7).
Ainsi, quiconque se dit chrétien et veut suivre scrupuleusement la
ligne de conduite préconisée dans
la Bible
obéit à toutes les lois du pays dans lequel il vit tant que celles-ci
n’enfreignent pas la loi divine, laquelle constitue la référence
suprême.
Un gouvernement est nécessaire — au même titre
que la police routière — pour éviter le chaos.
La domination humaine -
Partie 2 - Les rois, comme les
étoiles, se lèvent et disparaissent
Monarchie: Régime dans lequel le chef de
l’État est un roi ou un empereur héréditaire. Royauté:
Forme de domination monarchique ayant à sa tête un roi ou une reine. Empire:
Territoire étendu composé généralement d’un ensemble de nations,
d’États ou de peuples relevant d’un gouvernement central soumis le
plus souvent à l’autorité d’un empereur.
“OR IL advint, aux jours d’Amraphel, roi de
Schinéar...” C’est dans cette première phrase du 14e chapitre
de
la Genèse
que le mot “roi” apparaît pour la première fois dans
la Bible. L
’Amraphel en question est-il, comme certains l’affirment, le célèbre
monarque babylonien Hammourabi? Nous l’ignorons. Ce que nous savons,
en revanche, c’est que, quelle que soit l’identité d’Amraphel, la
royauté humaine n’est pas née avec lui. Plusieurs siècles
auparavant, Nimrod, bien que n’en portant pas le titre, était
manifestement un roi. En fait, il fut même le premier roi de
l’Histoire. — Genèse 10:8-12.
Il est vrai que nous ne disposons d’aucun vestige
relatif à Nimrod ou à Amraphel. “Mebaragesi, roi de Kish, est le
plus ancien dirigeant mésopotamien à propos duquel nous disposions
d’inscriptions authentiques”, nous apprend
la Nouvelle Encyclopédie
britannique. C’est de Kish, antique Cité-État de Mésopotamie,
que venait le terme sumérien par lequel on désignait un dirigeant,
littéralement “grand homme”. Bien que décalée par rapport à la
chronologie biblique, la date attribuée au règne de Mebaragesi se
trouve à peu de chose près à l’intérieur des limites permises par
le récit de
la Bible. Mais
le plus important est qu’elle situe l’origine de la domination
humaine dans la même région de la terre que
la Bible.
L’unité par la
majorité d’un seul
On fait généralement remonter le début de la
dynastie chinoise des Shang, ou Yin, à une époque comprise entre le
XVIIIe et le XVIe siècle avant notre ère,
mais, là encore, la datation est incertaine. Reste que la monarchie est
la plus ancienne forme de gouvernement humain. Elle est également très
répandue.
Le terme “monarque” vient des mots grecs monos
(seul) et arkhein (commander). Dans une monarchie, l’autorité
suprême est donc détenue par un seul individu qui sert lui-même comme
chef permanent de l’État. Dans le cas d’une monarchie absolue, la
parole du roi fait loi et le souverain constitue, si l’on peut dire,
une majorité à lui seul.
Le régime monarchique a de tout temps été considéré
comme un facteur d’homogénéisation de nations. John Mundy, historien
spécialiste du Moyen Âge, explique que dans l’Europe médiévale la
théorie politique “voulait que l’institution monarchique, parce
qu’elle transcendait les partis, convienne aux vastes territoires
divisés par des intérêts régionaux opposés”. Ces “vastes
territoires” avaient souvent été acquis lors de guerres de conquête,
car les rois étaient invariablement des chefs militaires. En fait,
comme l’écrit l’historien W. Warren, la victoire militaire était
“généralement considérée comme le critère par excellence d’un règne
réussi”.
Ainsi, le régime monarchique a favorisé l’établissement
de puissances mondiales comme l’Empire grec d’Alexandre le Grand,
l’Empire romain des Césars et, plus récemment, l’Empire
britannique. À l’époque où ce dernier était au faîte de sa
puissance, au début du XXe siècle, un souverain unique
dominait un quart environ de la population et des terres de la planète.
Royauté et religion
De nombreux rois de l’Antiquité revendiquaient
la nature divine. L’historien George Sabine dit à ce propos: “À
partir d’Alexandre, les rois hellénistiques furent inclus (...) dans
le panthéon des cités grecques. La déification du roi devint en
Orient une institution universelle, qui finit par être adoptée par les
empereurs romains.” Selon le même auteur, cette croyance dans le
caractère divin du roi a persisté en Europe “sous une forme ou une
autre jusqu’à l’époque moderne”.
En Amérique centrale et en Amérique du Sud, les
Aztèques et les Incas vivaient sous des régimes considérés comme des
monarchies sacrées. En Asie, c’est seulement en 1946 que l’empereur
du Japon Hirohito renonça à passer pour le 124e descendant
humain de la déesse du soleil Amaterasu Omikami.
Même si tous les rois ne se prenaient pas pour des
dieux, la plupart se targuaient au moins de bénéficier d’un appui
divin. Cette position de représentant unique de Dieu sur la terre leur
conférait un certain charisme sacerdotal. John Mundy explique que
“l’idée antique qui associait la fonction de prêtre à celle de
roi s’est propagée en Occident, faisant du prince le chef
administratif de son Église et le responsable de l’apostolat”. Il
s’agissait là d’un concept religieux “hérité à la fois du
mariage constantinien de l’Église et de l’État [au IVe siècle
de notre ère], et de l’adoption de la pensée néoplatonicienne par
l’Église à la même époque”. La bénédiction religieuse accordée
au moment du sacre conférait au règne du monarque une légitimité
qui, autrement, lui aurait fait défaut.
C’est le roi Henri II d’Angleterre qui, en
1173, se présenta le premier comme “Roi par la grâce de Dieu”.
Cette expression fut à l’origine de ce qui devint la royauté de
droit divin, concept qui faisait du pouvoir royal une charge héréditaire
en laissant entendre que Dieu manifestait son choix par la naissance. En
1661, Louis XIV, roi de France, fit de ce principe une application
absolue en assumant seul la direction des affaires de l’État.
L’opposition était à ses yeux un péché contre le Dieu dont il était
le représentant. “L’État, c’est moi!”,
aurait-il proclamé.
À peu près à la même époque, une idée
similaire se faisait jour en Écosse. Alors qu’il n’était encore
que Jacques VI d’Écosse, celui qui en 1603 deviendrait le roi
Jacques Ier d’Angleterre écrivit: “Les rois sont
appelés dieux (...) parce qu’ils sont assis sur le trône terrestre
de DIEU et qu’ils doivent Lui rendre compte de leur administration.”
On ignore dans quelle mesure cette croyance influença sa décision
d’autoriser la traduction de
la Bible
en anglais, mais on en connaît le résultat:
la Bible
du roi Jacques, laquelle est aujourd’hui encore
largement utilisée par les protestants anglophones.
L’âge des monarchies
absolues
Avec le début du Moyen Âge, la monarchie devint
la forme de gouvernement par excellence. Les rois établirent un mode de
domination à la fois pratique et facile en déléguant une partie de
leur autorité à de grands propriétaires terriens. À leur tour,
ceux-ci instituèrent un système politique et militaire connu sous le
nom de féodalité et consistant à donner de la terre à leurs vassaux
en échange de certains services, militaires ou autres. Toutefois, plus
les seigneurs devinrent puissants, plus le royaume se morcela.
Par ailleurs, le système féodal volait leur
dignité et leur liberté aux paysans. Ceux-ci se trouvaient sous la férule
des seigneurs, dont ils constituaient la principale source de revenus.
L’accès à l’instruction et à la culture lui étant fermé, “le
serf disposait de peu de droits lui permettant de s’opposer à la loi
seigneuriale, lit-on dans une encyclopédie (Collier’s Encyclopedia).
Il ne pouvait ni se marier, ni transmettre le bail de son lopin de
terre, ni quitter le domaine seigneurial sans l’accord du seigneur”.
D’autres modes de domination avaient cours dans
les monarchies absolues. Certains rois octroyaient des charges
administratives, qu’ils retiraient par la suite s’ils le jugeaient
bon. D’autres confiaient la direction des affaires locales à des
institutions publiques qui gouvernaient par le droit coutumier et en
exerçant des contraintes sociales. Bien qu’aucune de ces méthodes
n’ait été satisfaisante, il se trouvait au XVIIe siècle
des écrivains comme l’Anglais Robert Filmer et le Français Bossuet
pour voir dans l’absolutisme la seule forme valable de gouvernement.
Pourtant, les jours de l’absolutisme étaient comptés!
Des “dieux” réduits
au rôle de figurants
Parallèlement à la croyance générale, selon
laquelle les monarques n’avaient de compte à rendre qu’à Dieu, se
développait depuis longtemps un courant qui souhaitait les voir soumis
aux lois, aux coutumes et aux autorités humaines. Au XVIIIe siècle,
“les monarques employaient une rhétorique différente de celle de
leurs prédécesseurs du XVIIe siècle”, écrit un
ouvrage de référence (The Columbia History of
the World), qui ajoute toutefois que, “malgré la rhétorique,
ils restaient des souverains”. Voilà pourquoi, “même si Frédéric
le Grand se présentait comme le ‘premier serviteur de l’État’ et
rejetait la notion de royauté de droit divin, il n’était pas disposé
à abjurer le pouvoir”.
Cependant, les révolutions de 1688 en Angleterre
et de 1789 en France sonnèrent la disparition quasi générale de
l’absolutisme. Peu à peu, celui-ci fit place à des monarchies dont
le pouvoir se trouva limité par des assemblées législatives ou
constituantes, voire par les deux. Alors qu’au XIIe siècle,
comme l’écrit l’historien W. Warren, “un règne dépendait
encore de ce qu’un roi était capable d’en faire et de ce que ses
sujets étaient prêts à accepter”, aujourd’hui la plupart des rois
et des reines ne disposent plus que d’un pouvoir politique
relativement limité.
Bien sûr, il reste dans le monde quelques
monarques détenteurs d’un pouvoir considérable. Mais la majorité
d’entre eux ont depuis longtemps perdu leur aura de “divinité” et
se contentent d’un rôle de représentation comme symbole d’un
pouvoir autour duquel les citoyens sont encouragés à se rassembler
dans un esprit de loyauté. Par cette forme de monarchie, on cherche à
conserver le côté unificateur de l’autocratie et à supprimer ses
aspects négatifs en confiant le véritable pouvoir à un corps législatif.
Les monarchies constitutionnelles sont encore très
populaires. Ainsi, en 1983, Krishna Prasad Bhattarai, responsable du
Congrès népalais, un parti politique du Népal, a parlé de la
monarchie ‘comme d’une protection contre le chaos’, disant que
‘le roi est indispensable au maintien de l’unité nationale’. En
1987, en France, alors qu’on préparait la célébration du
bicentenaire de
la Révolution
, 17 % des personnes interrogées dans le cadre d’un sondage se
sont prononcées en faveur d’un retour à la monarchie. Un membre
d’un groupe royaliste a déclaré: “Le roi est le seul moyen
d’unir la nation, divisée depuis si longtemps par les dissensions
politiques.”
Toujours en 1987, la revue Time faisait ce
constat: “La royauté appelle la fidélité, peut-être parce que les
monarques sont les dernières grandes icônes de notre société sécularisée,
les seuls personnages hors normes encore capables de stimuler la foi
tout en restant entourés de mystère. Dieu est mort, mais longue vie à
la reine!” Avec réalisme, la revue précisait toutefois que “le
pouvoir souverain de la reine [d’Angleterre] réside principalement
dans sa fastueuse impuissance”.
Trouvées insuffisantes
Les monarchies absolues ne détiennent pas la
solution. Elles sont instables par nature. Tout dirigeant meurt tôt ou
tard et doit être remplacé par un successeur qui sera choisi la
plupart du temps, non pour ses hautes qualités morales ou ses grandes
capacités, mais d’après des critères généalogiques. Comment être
sûr qu’un fils sera aussi bon que son père? Et si le père était
mauvais, qu’est-ce qui garantit que le fils sera meilleur?
Par ailleurs, comme le souligne Cristiano
Grottanelli, “le choix d’un successeur royal” est souvent “régi
par des règles imprécises, de sorte qu’une compétition s’instaure
parfois entre les prétendants au trône. La période qui suit la mort
d’un roi se caractérise donc généralement par un (énorme) chaos
social, au sens propre comme au sens figuré”.
Par définition, la réussite d’une monarchie
absolue dépend de l’efficacité de celui qui en est à la tête. Si
ses talents et ses qualités se retrouvent dans sa façon de gouverner,
ses faiblesses, ses limites et ses incompétences s’y retrouvent
aussi. Être de sang royal ne vaccine pas contre l’imperfection. Les
mauvais rois font les mauvaises gestions; les bons rois peuvent obtenir
de meilleurs résultats, mais seul un roi parfait est en mesure d’établir
la forme de gouvernement que l’humanité mérite et à laquelle elle
aspire.
Les monarchies constitutionnelles ne détiennent
pas plus la solution. Au Royaume-Uni, le siècle écoulé aura vu des
rois et des reines d’Angleterre sans réel pouvoir présider au démantèlement
du plus vaste et du plus puissant empire que le monde ait connu.
Une étoile différente
Les rois, comme les étoiles, se lèvent et
disparaissent. À une exception près. Jésus Christ se présente comme
“la racine et le descendant de David, et l’étoile brillante du
matin”. (Révélation 22:16.) Étant un descendant direct du roi
David, Jésus remplit les conditions requises pour être le roi du
gouvernement de Dieu. “Étoile brillante du matin”, il est également
l’“étoile du matin” qui, selon les paroles de Pierre, devait se
lever et faire poindre le jour. — 2 Pierre 1:19; Nombres 24:17;
Psaume 89:34-37.
Au vu de ce qui précède, est-il vraiment sage de
chercher une direction auprès des étoiles en déclin que sont les
monarchies humaines? La sagesse nous dicte plutôt de mettre notre espérance
dans le Roi choisi par Dieu, Jésus Christ, “le Roi de ceux qui règnent
en rois et le Seigneur de ceux qui dominent comme seigneurs, le seul
[par rapport aux rois humains] qui possède l’immortalité”. (1 Timothée
6:15, 16.) Déjà installé comme roi invisible dans les cieux, il
fera bientôt se lever l’aurore d’un monde nouveau. Cette étoile
— ce roi — qui s’est levée ne disparaîtra jamais!
Que devient l’œuvre d’un roi humain, fût-il
le meilleur, après sa mort?
La domination humaine -
Partie 3 - Le ‘gouvernement par
les meilleurs’ est-il réellement le
meilleur?
Aristocratie: Forme de gouvernement où le
pouvoir est détenu par la noblesse, par une minorité de privilégiés,
ou par une élite censée être la plus qualifiée pour diriger le pays.
Oligarchie: Régime politique dans lequel la souveraineté
appartient à un petit groupe — de personnes ou de familles — qui,
souvent, poursuit des objectifs égoïstes et malhonnêtes.
LA LOGIQUE
voudrait que la meilleure forme de gouvernement soit celle qui résulte
de l’association des meilleurs individus. Théoriquement plus
instruits, plus qualifiés et plus compétents, ces derniers seraient
les mieux placés pour exercer des fonctions de dirigeants. Un régime
aristocratique ayant à sa tête une telle élite peut revêtir diverses
formes: ploutocratie, gouvernement par les riches; théocratie,
gouvernement par le clergé; bureaucratie, gouvernement par
l’Administration.
Bon nombre de sociétés primitives dirigées par
des anciens ou des chefs tribaux étaient des aristocraties. À un
moment ou à un autre de leur histoire, Rome, l’Angleterre et le Japon
— pour ne citer que ces trois — ont eu des gouvernements
aristocratiques. Dans
la Grèce
antique, le terme “aristocratie” était utilisé en référence aux
cités-États, ou poleis, qui étaient gouvernées par des
groupes restreints. Souvent, la souveraineté était détenue par un
ensemble de grandes familles, mais il arrivait qu’une seule de ces
familles s’approprie le pouvoir par des moyens illégaux et instaure
une forme de domination plus tyrannique.
À l’instar d’autres cités-États grecques,
Athènes était au départ une aristocratie. Par la suite, l’évolution
culturelle ayant dilué la notion de classe et engendré une certaine désunion,
la ville fit l’expérience de la démocratie. Les citoyens de Sparte,
ville fondée, pense-t-on, au IXe siècle avant notre ère,
se trouvaient quant à eux sous une oligarchie militaire. La cité ne
tarda pas à se poser en rivale de son aînée, Athènes; il
s’ensuivit un affrontement dont l’enjeu était la suprématie sur le
monde grec de l’époque. La domination par le grand nombre, telle
qu’elle était exercée à Athènes, entrait ainsi en conflit avec la
domination par quelques-uns, régime en vigueur à Sparte.
L’opposition entre ces deux formes de régime ne constituait, bien sûr,
qu’une facette de ce conflit complexe.
Perversion d’un idéal
élevé
Les désaccords politiques alimentaient souvent les
débats entre les philosophes grecs. Aristote, ancien élève de Platon,
faisait une distinction entre l’aristocratie et l’oligarchie. Il
considérait l’aristocratie pure comme une forme de gouvernement
valable, un idéal élevé qui permettait à des individus dotés de
capacités particulières et de grandes qualités morales de se
consacrer à un service public pour le bien d’autrui. Par contre,
quand elle avait à sa tête une élite oppressive et égoïste, cette
aristocratie pure tombait dans l’oligarchie, forme de gouvernement que
le philosophe tenait pour injuste et pervertie.
Tout en prônant la domination par ‘les
meilleurs’, Aristote admettait que c’était probablement la
combinaison de l’aristocratie et de la démocratie qui produirait les
résultats souhaités, idée qui séduit toujours certains penseurs
politiques. De fait,
la Rome
antique associa bel et bien ces deux formes de gouvernement avec un
certain bonheur. À Rome, “la politique était l’affaire de tous”,
explique l’Atlas Collins de l’histoire du
monde (angl.), ajoutant que cela n’empêchait pas “les
citoyens les plus riches et ceux qui avaient la chance d’être de
haute naissance [de former] une oligarchie et de se partager les
fonctions de magistrats, de chefs militaires et de prêtres”.
Même à la fin du Moyen Âge et au début de l’ère
moderne, on trouvait encore en Europe des villes qui combinaient des éléments
de démocratie et d’aristocratie. L’Encyclopédie Collier
(angl.) déclare: “La très conservatrice République vénitienne, que
Napoléon finira par renverser, offre l’exemple classique d’une
telle oligarchie; mais les villes libres du Saint Empire romain, les cités
de
la Hanse
teutonique, ainsi que les villes dotées d’une charte en Angleterre et
en Europe occidentale, présentent la même tendance générale à une
supervision étroite de type oligarchique par un patriciat [une
aristocratie] relativement restreint, mais fier et très cultivé.”
On prétend, non sans raison, que les gouvernements
sont aristocratiques par nature, car tous s’efforcent de confier les
affaires de l’État aux gens les plus qualifiés. Le concept de
“classe dirigeante” a contribué à renforcer cette opinion. Un
ouvrage de référence le confirme en ces termes: “Classe dirigeante
et élite deviennent des synonymes qui désignent en fait ce que Platon
et Aristote présentaient comme un idéal.”
Qui sont ‘les
meilleurs’?
Des siècles avant l’apparition des philosophes
grecs, sous le règne de la maison royale des Zhou, une société féodale
(reposant sur le système seigneurs/vassaux) apportait à
la Chine
une paix et une stabilité relatives. Toutefois, à partir de 722 avant
notre ère, au cours de la période dite Chunqiu, l’affaiblissement
progressif du système féodal permit finalement l’émergence d’une
nouvelle élite composée des anciens “gentilshommes”, qui servaient
dans les cours féodales, et des descendants de la vieille noblesse. Les
membres de cette nouvelle élite s’installèrent aux postes clés du
pays. Selon
la Nouvelle Encyclopédie
britannique, pour le grand sage chinois Confucius, c’était
“la compétence et l’excellence morale, et non la naissance, qui
rendaient un homme apte à diriger”.
Mais en Europe, plus de 2 000 ans plus
tard, la détermination de l’élite (les mieux qualifiés pour tenir
un rôle de dirigeant) ne se faisait guère sur la base de la ‘compétence
et de l’excellence morale’. Carl Friedrich, professeur à
l’Université Harvard, explique que “l’élite de l’Angleterre
aristocratique du XVIIIe siècle avait pour principal
fondement la naissance et la fortune. La situation était identique à
Venise”. Et d’ajouter: “Dans certains pays, comme dans
la Prusse
du XVIIIe siècle, l’appartenance à l’élite
reposait sur l’ascendance et les exploits militaires.”
L’idée selon laquelle les ‘meilleurs’
transmettaient leurs qualités à leur descendance permet de comprendre
les coutumes anciennes relatives aux mariages des monarques. Au Moyen Âge,
le concept de la supériorité biologique prévalait. Épouser une
roturière, c’était diluer la noblesse de son clan et faire, du même
coup, offense à la loi divine. Les monarques étaient donc tenus de se
marier uniquement avec des personnes de haute naissance. Cette notion de
supériorité biologique fut remplacée plus tard par une justification
plus rationnelle, qui faisait dépendre la supériorité de
circonstances favorables, de l’instruction, de divers talents ou réussites.
Le principe connu sous l’expression “noblesse
oblige” avait pour but d’assurer le succès de l’aristocratie. Il
impliquait “l’obligation d’avoir une conduite honorable, généreuse
et responsable conforme à son rang ou à sa naissance”. En raison de
leur “supériorité”, les nobles se devaient de veiller
attentivement aux besoins d’autrui. Ce principe avait cours dans des
aristocraties comme celle de Sparte, où les soldats avaient le devoir
de faire passer les intérêts des autres avant les leurs, ou comme
celle du Japon, au sein de la caste guerrière des samouraïs.
Trouvée insuffisante
Il n’est pas difficile de mettre en évidence les
insuffisances de l’aristocratie. Dans
la Rome
antique, seuls les hommes de haute naissance, les patriciens, pouvaient
être élus au Sénat. Le commun peuple, les plébéiens, n’avait pas
ce droit. Toutefois, loin de cultiver ‘la compétence et
l’excellence morale’ que Confucius cherchait chez des dirigeants,
les sénateurs sombrèrent peu à peu dans la corruption et
l’oppression. Il en résulta une guerre civile.
Malgré des réformes périodiques, cette
oligarchie sénatoriale subsista au moins jusqu’à ce que Jules César
instaure une dictature, quelques années avant d’être assassiné en
44 avant notre ère. À sa mort, le régime aristocratique fut
restauré, mais en 29 avant notre ère il fut de nouveau remplacé.
L’Encyclopédie Collier explique: “Au fur et à mesure
que Rome avait acquis davantage de puissance, de richesse et de
territoire, l’aristocratie était devenue une oligarchie corrompue, et
la disparition progressive de l’esprit civique se reflétait dans la
perte du respect que le peuple avait pour ses dirigeants. Son écroulement
fit place à une monarchie absolue.”
Au cours des 12 siècles qui suivirent,
l’Europe ne connut pour ainsi dire que des gouvernements qui, s’ils
étaient monarchiques de nom, n’en étaient pas moins aristocratiques
de fait. Avec le temps, les nombreux changements politiques, économiques
et culturels modifièrent le système. Néanmoins, pendant toute cette période,
et ce en dépit d’une tendance croissante au parasitisme, à
l’extravagance, à l’arrogance et à la frivolité, l’aristocratie
européenne ne perdit rien de sa puissance, conservant ses terres et sa
mainmise sur l’armée.
Dans les années 1780, un coup sévère fut
porté à l’aristocratie. Ayant à faire face à des problèmes de trésorerie,
Louis XVI, roi de France, demanda aux aristocrates du pays de
renoncer à certains privilèges fiscaux. Mais au lieu de soutenir le
roi, les nobles tirèrent parti de ses difficultés dans l’espoir de
miner la monarchie et de regagner une partie de leur puissance passée.
Selon Herman Ausubel, professeur d’histoire à l’Université
Columbia, “peu satisfaits d’un régime où le peuple était dirigé
par le roi pour les aristocrates, [ceux-ci] voulaient un régime où le
peuple serait dirigé par les aristocrates pour les aristocrates”.
Cette attitude contribua à hâter
la Révolution
de 1789.
Ces événements provoquèrent des bouleversements
radicaux qui débordèrent largement les frontières de
la France. La
noblesse perdit ses privilèges, le système féodal fut aboli, on
adopta une Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, on mit en
place une constitution et on émit des décrets pour limiter la
puissance du clergé.
La domination par quelques-uns — fussent-ils censés
être les meilleurs — avait été pesée dans la balance par beaucoup
et trouvée insuffisante.
‘Les meilleurs’ sont
finalement révélés
Le constat selon lequel ‘les meilleurs’ ne se
montrent pas toujours à la hauteur de leur réputation met en relief
l’une des principales faiblesses d’un ‘gouvernement par les
meilleurs’, à savoir la difficulté de déterminer qui sont vraiment
‘les meilleurs’. Être riche, de haute naissance ou capable
d’accomplir des exploits militaires ne suffit pas à faire de
quelqu’un le plus qualifié pour un rôle de dirigeant.
Il n’est pas difficile d’établir qui sont les
meilleurs médecins, les meilleurs cuisiniers ou les meilleurs
cordonniers. Il suffit de considérer le fruit de leur travail. “En
matière de gouvernement, la tâche n’est pas aussi aisée”, fait
remarquer le professeur Friedrich. La difficulté vient de ce que les
gens ne sont pas tous d’accord sur la forme que devrait revêtir un
gouvernement et sur ce qu’il devrait accomplir. Par ailleurs, les
objectifs d’un gouvernement changent continuellement. Ainsi, comme le
dit le professeur Friedrich, “on ne sait jamais très bien qui
constituerait l’élite”.
Pour qu’un ‘gouvernement par les meilleurs’
soit réellement le meilleur, il faudrait que l’élite soit choisie
par quelqu’un ayant une connaissance suprahumaine et un jugement
infaillible. Les élus devraient posséder une intégrité morale à
toute épreuve et se dévouer corps et âme aux objectifs immuables du
gouvernement auquel ils appartiennent. Leur volonté de faire passer les
intérêts des autres avant les leurs ne devrait pas pouvoir être
suspectée.
La Bible
montre que Jéhovah Dieu a choisi une classe de personnes qui répond précisément
à ces critères — son Fils Jésus Christ et quelques-uns de ses fidèles
disciples — pour qu’ils gouvernent la terre pendant 1 000 ans
(Luc 9:35; 2 Thessaloniciens 2:13, 14; Révélation 20:6). N’étant
pas des humains faillibles, mais des créatures spirituelles
infaillibles et immortelles, Jésus Christ et ses rois associés
inonderont la terre de bénédictions — la paix, la sécurité et un
bonheur durables — en même temps qu’ils ramèneront l’humanité
à la perfection. Quel gouvernement humain, même dirigé par ‘les
meilleurs’, pourrait en faire autant?
Oligarchie des temps modernes
“Des
tendances à l’oligarchie (...) ont été décelées au sein de toutes
les grandes structures bureaucratiques des systèmes politiques avancés.
La complexité grandissante de la société moderne et de sa gestion
confère un pouvoir toujours plus important aux administrateurs et aux
commissions d’experts. Même dans les régimes constitutionnels, on
n’a pas trouvé de moyens vraiment satisfaisants pour rendre ces décideurs
bureaucrates responsables de leurs actes et réduire leurs pouvoirs de
manière effective sans, en même temps, mettre en danger l’efficacité
et la rationalité de l’appareil de décision.” — La nouvelle
Encyclopédie britannique.
Aristote pensait que la combinaison de
l’aristocratie et de la démocratie constituerait la meilleure forme
de gouvernement.
La domination humaine -
Partie 4 – La démocratie
Démocratie: Gouvernement par le peuple, où
celui-ci exerce sa souveraineté directement ou par l’intermédiaire
de représentants élus.
“NOUS, LE PEUPLE des États-Unis (...) nous décrétons
et nous établissons cette constitution.” Ces premiers mots du préambule
de la constitution américaine sont appropriés, dans la mesure où les
pères fondateurs souhaitaient que les États-Unis soient une démocratie.
Dérivé d’un terme grec qui signifie “gouvernement du peuple”, le
mot démocratie a été défini par Abraham Lincoln, 16e président
des États-Unis, comme le “gouvernement du peuple, par le peuple, pour
le peuple”.
Souvent qualifiée de berceau de la démocratie,
la Grèce
s’enorgueillit de ce que la démocratie était déjà pratiquée dans
ses cités-États, Athènes notamment, cinq siècles avant notre ère.
Toutefois, la démocratie d’alors présentait une forme différente de
celle d’aujourd’hui. Tout d’abord, les citoyens grecs
participaient plus directement à la gestion de la cité. Tous les
citoyens masculins étaient membres d’une assemblée qui se réunissait
au cours de l’année pour discuter des problèmes du moment. C’est
par un simple vote à la majorité qu’était arrêtée la politique de
la cité, ou polis.
Par contre, les femmes, les esclaves et les étrangers
ne possédaient aucun droit politique. La démocratie athénienne était
donc une forme aristocratique de démocratie en ce qu’elle ne
concernait qu’une minorité de privilégiés. Probablement entre 50 et
80 % de la population n’avaient pas voix au chapitre.
Reste que ce mode de gouvernement favorisait la
liberté d’expression, puisque tout citoyen autorisé à voter avait
le droit de faire connaître ses opinions avant que les décisions ne
soient prises. Les fonctions politiques n’étaient pas l’apanage
d’une élite, mais elles pouvaient être assumées par n’importe
quel citoyen masculin. Un système de surveillance existait qui empêchait
les abus de pouvoir de la part d’individus ou de groupes.
“Les Athéniens eux-mêmes étaient fiers de leur
démocratie, dit l’historien D. Heater. Ils se jugeaient plus
proches ainsi de la plénitude et de la perfection que sous une
monarchie ou une aristocratie.” Il semblait donc que la démocratie
ait pris un bon départ.
La démocratie sort
de son berceau
À l’exception de ce qui est encore pratiqué
dans quelques villes américaines de
la Nouvelle-Angleterre
et dans certains cantons suisses, la pure démocratie — la démocratie
directe — n’existe plus. Il suffit de considérer la taille des pays
modernes avec leurs millions d’habitants pour comprendre que ce mode
de gouvernement serait techniquement impossible. De plus, dans le monde
agité qui est le nôtre, combien de citoyens pourraient consacrer des
heures à débattre de questions politiques?
La démocratie est devenue adulte, mais tout le
monde n’en a pas la même idée, ce que montre le fait qu’elle revêt
de multiples formes. Comme l’explique la revue Time, “il
n’est pas possible de diviser le monde en deux blocs distincts: démocratique
d’un côté et non démocratique de l’autre. Au sein des nations
dites démocratiques, il existe divers degrés dans la liberté
individuelle, le pluralisme et les droits de l’homme, au même titre
qu’il existe dans les dictatures divers degrés de répression”. Il
n’en demeure pas moins qu’on attend généralement d’un
gouvernement démocratique qu’il défende un certain nombre de valeurs
fondamentales, telles que la liberté individuelle, l’égalité, le
respect des droits de l’homme et la justice par la loi.
À la démocratie directe d’autrefois a succédé
la démocratie représentative. Ce système se caractérise par
l’existence d’un corps législatif à une ou deux Chambres (monocaméralisme
ou bicaméralisme), composé de membres élus par le peuple ou désignés
d’une autre manière. Ces députés ont la responsabilité de voter
des lois censées concourir au bien du peuple dont ils sont les représentants.
C’est au Moyen Âge que la démocratie représentative
commença à faire son chemin. Aux XVIIe et XVIIIe siècles,
on accorda une plus grande signification à des institutions du XIIIe siècle
comme
la Grande Charte
et le Parlement anglais, ainsi qu’aux théories politiques relatives
à l’égalité entre les hommes, aux droits naturels et à la
souveraineté du peuple.
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle,
le terme “démocratie” était entré dans le langage courant. Tout
scepticisme n’avait cependant pas disparu.
La Nouvelle Encyclopédie
britannique écrit à ce propos: “Même les auteurs de la
constitution des États-Unis de 1787 étaient inquiets à l’idée de
voir le peuple dans son ensemble participer à la vie politique. L’un
d’eux, Elbridge Gerry, a parlé de la démocratie comme de ‘la pire
des plaies politiques’.” Cela n’empêchait toutefois pas des
hommes comme l’Anglais John Locke de continuer à soutenir qu’un
gouvernement doit refléter la volonté du peuple, peuple dont il
jugeait sacrés les droits naturels.
Républiques
Bon nombre de démocraties sont des républiques,
c’est-à-dire des régimes ayant à leur tête un chef de l’État
qui n’est pas un monarque, mais généralement un président. L’une
des premières républiques de l’Histoire fut
la Rome
antique. Bien que la démocratie y fût restreinte, cette république
subsista plus de 400 ans avant de céder la place à une forme de
monarchie et à l’Empire romain.
La république est aujourd’hui le régime le plus
représenté. Sur les 219 gouvernements et organisations
internationales recensés dans un ouvrage de référence de 1989, on
trouvait 127 républiques. Toutes ne sont pas des démocraties représentatives,
car l’éventail des républiques est large.
Certaines se présentent sous la forme de systèmes
unitaires, ce qui signifie qu’elles sont dirigées par un gouvernement
central fort. D’autres sont des fédérations, le pouvoir se trouvant
détenu par un gouvernement à deux niveaux. Comme leur nom l’indique,
les États-Unis d’Amérique appartiennent à ce dernier système,
lequel est connu sous le nom de fédéralisme. Le gouvernement national
s’occupe des intérêts de la nation dans son ensemble, alors que le
gouvernement de chaque État traite les questions locales. Bien sûr,
cette définition générale autorise de nombreuses variantes.
Certaines républiques organisent des élections
libres. Leurs citoyens peuvent également se voir proposer le choix
entre plusieurs partis politiques et candidats. Dans d’autres républiques,
on considère que les élections libres ne sont pas indispensables, dans
la mesure où la volonté démocratique du peuple peut être satisfaite
d’autres manières, par exemple en promouvant la propriété
collective des moyens de production. Les Grecs de l’Antiquité offrent
d’ailleurs un précédent puisqu’ils ne connaissaient pas les élections
libres. Les administrateurs étaient tirés au sort et restaient en
place généralement pour une durée de un ou deux ans seulement.
Aristote désapprouvait les élections parce que, selon lui, en sélectionnant
les “meilleurs” elles introduisaient des éléments
d’aristocratie. Or, la démocratie était censée être le
gouvernement de tout le peuple, et pas seulement des “meilleurs”.
Une supériorité toute
relative?
Même dans l’Athènes antique la démocratie
avait des adversaires. Platon était sceptique. Il jugeait le régime démocratique
faible parce que confié à des ignorants qui se laissaient facilement
influencer par les belles paroles des démagogues. Pour Socrate, la démocratie
n’était rien de plus qu’un gouvernement de la populace. Quant à
Aristote, le troisième grand philosophe grec, il affirmait, selon le
livre Histoire de l’idéologie politique
(angl.), que “plus une démocratie devient démocratique, plus elle
tend à être gouvernée par la foule, (...) dégénérant en
tyrannie”.
D’autres ont exprimé les mêmes doutes.
Jawaharlal Nehru, ancien premier ministre de l’Inde, jugeait la démocratie
bonne, mais il infléchit sa position par ces mots: “Je dis cela parce
que d’autres systèmes sont pires.” William Inge, prélat et écrivain
anglais, a écrit pour sa part: “La démocratie est une forme de
gouvernement que l’on peut raisonnablement qualifier, non de bonne,
mais de moins mauvaise que n’importe quelle autre.”
La démocratie présente plusieurs points faibles.
Tout d’abord, son succès dépend de la disposition d’individus à
faire passer les intérêts de la majorité avant les leurs. Cela peut
impliquer de soutenir des mesures fiscales ou d’autres lois
profitables à l’ensemble de la nation, mais déplaisantes sur le plan
personnel. Force est de constater qu’un tel désintéressement
s’observe rarement, y compris chez les nations démocratiques dites
chrétiennes.
Un autre point faible a été mis en évidence par
Platon. Selon l’Histoire de l’idéologie politique,
il dénonçait “l’ignorance et l’incompétence des hommes
politiques, une calamité propre aux démocraties”. Bon nombre de
professionnels de la politique déplorent qu’il soit aussi difficile
de trouver des gens qualifiés pour entrer dans un gouvernement. Les élus
eux-mêmes ne sont parfois guère plus que des amateurs en matière de
politique. Par ailleurs, du fait de l’importance prise par la télévision
aujourd’hui, un candidat peut, par son physique ou son charisme,
gagner des voix que ses talents d’administrateur ne lui auraient
jamais apportées.
La lenteur est un autre inconvénient évident des
démocraties. Un dictateur n’a qu’à donner des ordres, et les
choses se font immédiatement. À l’intérieur d’une démocratie,
les démarches sont parfois freinées par des débats sans fin. Bien
entendu, il peut être des plus profitable de traiter à fond certains
sujets controversés. Mais comme l’a fait remarquer un jour Clement
Attlee, ancien premier ministre de Grande-Bretagne, “la démocratie,
c’est le gouvernement par la discussion, mais ce n’est efficace que
si l’on arrive à faire en sorte que le peuple arrête de parler”.
Même une fois que le peuple s’est tu, il n’est
pas toujours certain que les décisions prises soient vraiment représentatives
de la volonté populaire. Quelles convictions les députés
expriment-ils par leurs votes? Celles de la majorité de leurs électeurs
ou les leurs? Ou bien ont-ils tendance à suivre sans discuter la ligne
officielle de leur parti?
Le principe démocratique d’un système de contrôle
visant à prévenir la corruption est considéré comme une bonne idée.
Reste qu’il n’est guère efficace. En 1989, la revue Time a dénoncé
une “corruption gouvernementale à tous les niveaux”, qualifiant
l’un des principaux gouvernements démocratiques du monde de “géant
bouffi, incompétent et impotent”. Le président d’une commission créée
au milieu des années 80 pour enquêter sur les gaspillages d’un
autre gouvernement a fait ce constat: “La gestion du gouvernement est
abominable.”
Pour ces raisons et pour bien d’autres, il est
difficile de voir dans la démocratie un régime idéal. Comme le
faisait observer John Dryden, poète anglais du XVIIe siècle,
il est sûr qu’“on se trompe aussi grossièrement à beaucoup qu’à
quelques-uns”. Malgré sa dureté, la remarque suivante de l’écrivain
américain Henry Miller n’en reflète pas moins la réalité:
“L’aveugle guide l’aveugle. C’est la voie de la démocratie.”
Va-t-elle à sa
fin?
La démocratie a reçu plus de suffrages au XXe siècle
qu’à aucune autre époque. Les récents soulèvements survenus en
Europe de l’Est sont là pour le confirmer. Pourtant, “la démocratie
libérale est aujourd’hui mal en point”, écrivait le journaliste
James Reston il y a quelques années. Pour Daniel Moynihan, la “démocratie
libérale n’est pas une idéologie qui monte”, et “les démocraties
semblent disparaître”. D’après l’historien Alexander Tyler, un
gouvernement démocratique ne peut subsister de façon permanente parce
qu’“il finit par s’effondrer à cause d’une mauvaise politique
fiscale”. Bien sûr, on peut ne pas partager cette opinion.
Quoi qu’il en soit, la démocratie perpétue
incontestablement la tendance qui est apparue en Éden lorsque les
humains décidèrent de vivre comme ils le jugeaient bon, abandonnant
les voies de Dieu. Elle constitue un sommet en matière de domination
humaine, dans la mesure où elle vise, du moins en théorie, à faire
participer tout le monde à la vie politique. Toutefois, le dicton latin
Vox populi, vox Dei — “voix du peuple,
voix de Dieu” — est faux. Dès lors, ceux qui sont partisans de
cette forme de domination humaine qu’est la démocratie doivent être
prêts à assumer la responsabilité de ses réalisations. —
1 Timothée 5:22 « Ne
pose hâtivement les mains sur aucun homme ; ne participe pas non
plus aux péchés des autres ; conserve-toi pur. »
Cela est d’autant plus vrai depuis 1914. En cette
année décisive, Dieu a établi son autorité d’une façon toute
particulière. Son Royaume messianique est aujourd’hui sur le point de
prendre en main les affaires de la terre. Pour toutes les formes de
gouvernement humain — y compris les démocraties —, l’heure
du bilan est arrivée. Quiconque soutient l’un de ces régimes est pesé
avec lui dans la balance de la justice divine. —
Daniel 2:44 “ Et aux jours de
ces rois-là, le Dieu du ciel établira un royaume qui ne sera jamais
supprimé. Et le royaume ne passera à aucun autre peuple. Il broiera
tous ces royaumes et y mettra fin, et lui-même subsistera pour des
temps indéfinis »
Révélation 19:11-21 « Et
j’ai vu le ciel ouvert, et regardez ! un cheval blanc. Et celui
qui était assis dessus s’appelle Fidèle et Véridique, et il juge et
fait la guerre avec justice. 12 Ses yeux sont une
flamme de feu et sur sa tête sont de nombreux diadèmes. Il a un nom écrit
que personne ne connaît, sauf lui, 13 et il est
revêtu d’un vêtement de dessus aspergé de sang, et le nom dont on
l’appelle est La Parole de Dieu. 14 Et les armées
qui étaient dans le ciel le suivaient sur des chevaux blancs, et elles
étaient vêtues de fin lin, blanc [et] pur. 15 Et
de sa bouche sort une longue épée aiguisée, pour qu’il puisse
frapper avec elle les nations, et il les fera paître avec un bâton de
fer. Il foule aussi le pressoir à vin de la fureur de la colère de
Dieu le Tout-Puissant. 16 Et sur son vêtement de
dessus, oui sur sa cuisse, il a un nom écrit : Roi des rois et
Seigneur des seigneurs. 17 J’ai vu aussi un
ange qui se tenait debout dans le soleil, et il a crié d’une voix
forte et il a dit à tous les oiseaux qui volent au milieu du ciel :
“ Venez ici, rassemblez-vous pour le grand repas de Dieu, 18 pour
que vous mangiez les chairs de rois, et les chairs de commandants, et
les chairs d’hommes forts, et les chairs de chevaux et de ceux qui
sont assis dessus, et les chairs de tous, hommes libres et esclaves,
petits et grands. ” 19 Et j’ai vu la bête
sauvage et les rois de la terre et leurs armées rassemblés pour faire
la guerre à celui qui était assis sur le cheval et à son armée. 20 Et
la bête sauvage a été attrapée, et avec elle le faux prophète qui a
accompli devant elle les signes par lesquels il a égaré ceux qui ont
reçu la marque de la bête sauvage et ceux qui adorent son image. Alors
qu’ils étaient encore vivants, ils ont été jetés tous les deux
dans le lac de feu embrasé de soufre. 21 Mais le
reste a été tué par la longue épée de celui qui était assis sur le
cheval, [épée] qui sortait de sa bouche. Et tous les oiseaux se sont
rassasiés de leurs chairs. »
“Il n’appartient pas à l’homme qui marche de
diriger son pas.” — Jérémie
10:23.
“Tel chemin paraît droit à quelqu’un, mais en
fin de compte c’est le chemin de la mort.” — Proverbes
14:12, “Jérusalem”.
La domination humaine -
Partie 5 - Le pouvoir absolu
Autocratie: Forme de gouvernement où
l’autorité est exercée par un souverain détenteur d’un pouvoir
sans limites. Autoritarisme: Usage du pouvoir sans consentement
des administrés; moins extrémiste que le totalitarisme. Dictature:
Régime ayant à sa tête un dirigeant dont le pouvoir absolu n’est
limité ni par la loi ni par aucun corps officiel. Totalitarisme:
Concentration de tous les pouvoirs entre les mains d’un corps
autocratique; l’assujettissement des citoyens à l’autorité de l’État
est presque total.
PARCE QU’ILS tendent à tout superviser et à
brimer la liberté individuelle, les régimes autoritaires font spontanément
penser à des qualificatifs comme “oppressif”, “tyrannique” ou
“despotique”. Fortement nationalistes, ils se caractérisent en
outre par une mainmise sur l’ensemble des secteurs du gouvernement,
par une surveillance étroite de la population et par l’interdiction
de toute activité n’allant pas dans le sens des intérêts nationaux,
aussi inoffensive soit-elle. Force est malheureusement de constater que
les gouvernements autoritaires n’ont pas manqué au cours de
l’Histoire.
Une question de
nuances
Selon
la World Book
Encyclopedia, “le régime russe des tsars devint presque une
autocratie absolue”. Tel n’est cependant pas le cas de tous les
gouvernements autoritaires; il existe une palette de nuances dans
l’autoritarisme. De même, tous les gouvernements autoritaires ne sont
pas systématiquement de type autocratique, c’est-à-dire dirigés par
un seul individu, qu’il s’agisse d’un tsar ou d’un dictateur.
Certains ont à leur tête un groupe, une junte militaire par exemple,
ou bien une élite oligarchique ou ploutocratique.
Même les démocraties peuvent verser dans
l’autoritarisme. Malgré le pluralisme des partis, l’organisation
d’élections, l’existence de cours de justice et le fonctionnement
d’un corps législatif (un parlement par exemple), dont elles se
vantent, on a bel et bien affaire à un régime autoritaire si toutes
ces institutions sont aux ordres du gouvernement. Cette situation n’était
d’ailleurs pas obligatoirement voulue au départ. Il arrive en effet
qu’en temps de guerre ou en raison de troubles dans le pays, il faille
confier au gouvernement des pouvoirs extraordinaires qui, une fois la
crise passée, ne sont pas restitués.
Les monarchies sont, à des degrés divers, de
nature autoritaire. Toutefois, les monarchies absolues ont pour
la plupart été remplacées par des monarchies tempérées. De
nos jours, des assemblées législatives et parfois des constitutions
restreignent l’autorité monarchique, et avec elle l’exercice de
l’autoritarisme. De ce fait, le citoyen jouit d’une liberté
individuelle beaucoup plus importante dans les monarchies tempérées
d’aujourd’hui que dans les monarchies absolues d’hier.
Au demeurant, même au temps de leur splendeur, les
monarchies absolues ne détenaient qu’un pouvoir limité. Selon Orest
Ranum, professeur d’Histoire, “la plupart des rois n’avaient
d’un Hitler, d’un Mussolini ou d’un Staline ni le tempérament ni
la puissance nécessaires pour tenir leurs sujets dans une soumission
totale ou pour écraser des minorités raciales ou culturelles”. À
l’évidence, la présence — ou l’absence — chez un roi de belles
qualités ou de principes moraux élevés était déterminante. Quoi
qu’il en soit, d’après M. Ranum “aucune monarchie absolue
n’atteint le degré de centralisation culturelle et économique du
totalitarisme moderne”.
La recherche du
pouvoir total
Au cours des années 20 et 30 apparut
brusquement en Italie, en Union soviétique et en Allemagne un type de
gouvernement autoritaire d’un genre tout à fait nouveau; tellement
nouveau qu’il fallut inventer un nom adéquat. Dans les pays en
question, les médias passèrent sous le contrôle de l’État, et la
police cessa d’être un service public pour se mettre à la solde du
parti politique dirigeant. La propagande, la censure, l’embrigadement,
la surveillance par la police secrète et même la force furent utilisés
pour museler l’opposition. Les citoyens furent contraints d’adopter
l’idéologie politique et sociale du régime. Toute insoumission était
considérée comme une trahison. On jugea que le terme “totalitarisme”
décrivait bien ce type d’État qui poursuivait ses objectifs en
tenant la population tout entière sous sa coupe.
Voici ce qu’on lit dans la revue allemande Informationen
zur politischen Bildung (Renseignements pour la
formation politique): “Contrairement à un régime autoritaire, l’État
qui recherche le pouvoir total ne se contente pas de prendre le contrôle
des postes clés du pouvoir. Il refuse d’octroyer aux citoyens une
liberté même relative, exigeant d’eux une allégeance et un soutien
doctrinal actif de tous les instants. Ces exigences absolues obligent
l’État totalitaire à intervenir dans des domaines de la vie d’où
l’État est habituellement absent, comme la famille, la religion et le
temps libre. Pour arriver à ses fins, l’État totalitaire est obligé
de mettre en place un réseau capable de surveiller chaque individu en
permanence.”
Bien sûr, pour ce qui est de l’État et de ses
intérêts, un gouvernement totalitaire est extrêmement efficace. Mais,
selon le journaliste Charles Krauthammer, son maintien au pouvoir est
impossible, pour la simple raison qu’il a trop de choses à
surveiller. “Sur de courtes périodes de temps, on peut emprisonner,
voire abattre des gens, explique-t-il, mais au bout d’un moment, les
balles, les prisons, l’énergie et même les victimes viennent à
manquer. (...) L’idéal totalitaire n’est viable que dans la révolution
permanente, et la révolution permanente est impossible. Même la
tyrannie a besoin de souffler.”
Conséquence de la
‘société de masse’?
On a échafaudé diverses théories pour expliquer
pourquoi l’autoritarisme, et notamment sa forme la plus extrémiste et
la plus efficace, le totalitarisme, a été si présent au XXe siècle.
D’après The World Book Encyclopedia,
“les deux premiers tiers du XXe siècle ont été une
période de grands changements, peut-être les plus rapides et les plus
étendus de toute l’Histoire”. Voilà qui a sans aucun doute un
rapport étroit avec la vague d’autoritarisme qui a déferlé à notre
époque.
Des phénomènes modernes comme l’explosion démographique,
l’urbanisation et le développement technologique ont contribué à
l’apparition de ce qu’on appelle la société de masse. Cette
expression désigne une société industrielle caractérisée par des
institutions imposantes, centralisées, bureaucratiques et
impersonnelles, une société au sein de laquelle les relations humaines
ont tendance à être furtives et superficielles. Noyés dans la masse,
des individus solitaires sont constamment à la recherche de leurs
racines et d’une certaine convivialité.
Dans quelle mesure la société de masse a-t-elle
favorisé la montée du totalitarisme? Les avis sont partagés. La
politologue d’origine allemande Hannah Arendt, aujourd’hui décédée,
pensait, quant à elle, que son influence a été considérable. Dans
son livre Les origines du totalitarisme,
elle fait remarquer que le totalitarisme repose, non sur des classes,
mais sur des masses de gens qui, “du fait même de leur nombre, de
l’indifférence ou d’une combinaison des deux, ne s’intègrent ni
dans les associations d’utilité publique, ni dans les partis
politiques, ni dans les conseils municipaux, ni dans les groupements
corporatifs, ni dans les syndicats”.
Parmi les autres facteurs responsables, selon elle,
de la montée du totalitarisme, elle mentionne: l’impérialisme,
l’antisémitisme et la désintégration du concept traditionnel de
l’État-nation.
L’impérialisme?
La fin du XIXe siècle vit une résurgence
du colonialisme. L’économiste britannique John Hobson situe entre
1884 et 1914 la période dite aujourd’hui du nouvel impérialisme. Il
s’est agi ni plus ni moins de la part de gouvernements monarchiques ou
démocratiques de faire un usage autoritaire de leur puissance pour étendre
leurs empires — soit directement, par conquête, soit indirectement,
par la prise en main des affaires politiques et économiques des pays.
Pour John Hobson, l’impérialisme répondait avant tout à un besoin
économique. De fait, cette nouvelle forme de colonialisme s’intéressait
souvent moins au pouvoir politique qu’à l’expansion économique et
à l’ouverture de nouveaux marchés pour les produits de la mère
patrie.
Nulle part cela ne fut plus visible que dans ce
qu’on appellerait la ruée vers l’Afrique. Au début des années 1880,
la Grande-Bretagne
,
la France
et le Portugal possédaient déjà de nombreuses colonies africaines.
Mais lorsque
la Belgique
et l’Allemagne commencèrent à lorgner à leur tour de ce côté, ce
fut la ruée. À l’exception de l’Éthiopie et du Liberia, tout le
continent africain se retrouva bientôt sous domination européenne. Les
Noirs d’Afrique ne purent empêcher les colons “chrétiens” blancs
de les déposséder de leurs terres.
Les États-Unis d’Amérique devinrent à leur
tour une puissance impérialiste. À la fin du XIXe siècle,
ils prirent possession de l’Alaska, de Hawaii, des Philippines, de
Guam, des Samoa et d’autres îles du Pacifique, ainsi que de Porto
Rico et d’autres îles des Antilles. Voici un commentaire des plus intéressants
fait par Henry Graff, professeur d’histoire à l’Université
Columbia: “L’activité des missionnaires chrétiens eut autant
d’influence que celle des publicitaires dans l’impérialisme
moderne.” Néanmoins, si ces missionnaires de la chrétienté s’étaient
comportés en véritables chrétiens, ils seraient restés neutres sur
le plan politique — aussi bien lors de la ruée vers l’Afrique qu’à
l’occasion d’autres mouvements coloniaux —, conformément à
ces paroles de Jésus: “Ils ne font pas partie du monde, comme je ne
fais pas partie du monde.” — Jean
17:16
Jacques 4:4 « Femmes adultères,
ne savez-vous pas que l’amitié pour le monde est inimitié contre
Dieu ? Celui donc qui veut être ami du monde se constitue ennemi
de Dieu »
Si cette ère d’impérialisme est censée avoir
pris fin en 1914, l’esprit autoritaire qui la caractérise a, lui,
survécu. Cet esprit trouvait sa parfaite incarnation en Cecil Rhodes,
premier ministre dans les années 1890 de ce qui est à présent
une partie de l’Afrique du Sud. “L’expansion est partout”,
affirmait-il. Ardemment désireux d’étendre l’Empire britannique,
il s’est vanté un jour en ces termes: “J’annexerais toute la planète
si je pouvais.” C’est le même égoïsme, cette volonté de servir
leurs seuls intérêts, qui incite aujourd’hui encore certains États
à exercer la plus grande influence possible sur la politique et l’économie
d’autres pays. Ainsi, le Japon, qui n’a pu vaincre par les armes,
est parfois accusé de vouloir “conquérir” par l’économie.
La solution réside-t-elle
dans le renversement des
régimes autoritaires?
Un pouvoir sans limites exercé par des hommes
cupides et sans scrupules est une calamité, pas une bénédiction. La
constatation suivante du roi Salomon est donc on ne peut plus vraie:
“Voici, les larmes de ceux qui étaient opprimés, mais ils
n’avaient pas de consolateur; et du côté de leurs oppresseurs il y
avait la puissance, de sorte qu’ils n’avaient pas de consolateur.”
— Ecclésiaste 4:1.
Sous les régimes autoritaires, ‘les larmes des
opprimés’ coulent effectivement en abondance. En 1987, Mikhaïl
Gorbatchev a toutefois écrit dans son livre Perestroïka: “Il
est toujours possible de supprimer, contraindre, corrompre, briser ou détruire,
mais seulement durant une période limitée.” En effet, bien que la
force ait été “du côté de leurs oppresseurs”, des peuples ont
brisé le joug de gouvernements autoritaires à maintes reprises dans
l’Histoire.
La Roumanie
en a offert un exemple en décembre dernier avec le renversement
sanglant de Nicolae Ceauşescu et de ses forces de sécurité (
la Securitate
).
Certes, la mise à bas d’un régime autoritaire
peut améliorer la situation. Toutefois, comme le dit un proverbe
birman, “ce n’est qu’avec un nouveau dirigeant qu’on prend
conscience de la valeur de l’ancien”. Qui peut garantir en effet
qu’au mauvais ne succédera pas le pire?
Pour ne citer qu’un exemple, voyez ce qui s’est
passé dans un pays d’Amérique latine où un régime autoritaire
avait été renversé. La population plaça de grands espoirs dans les
nouveaux dirigeants. Mais quels furent les résultats? Décrivant la
situation dix ans plus tard, un journal rapportait que la misère s’était
“peut-être encore accentuée”. En raison de l’inflation
galopante, la monnaie nationale était “quasiment sans valeur”. La
revue déplorait par ailleurs les carences des services de santé et
signalait les décès de plus en plus nombreux dus à la malnutrition.
Avec le temps, le gouvernement en place fut, à son tour, dépossédé
du pouvoir.
N’est-il pas évident que la domination humaine
sous toutes ses formes a échoué? Pourtant, les hommes
continuent à chercher le gouvernement idéal. Dans notre prochain numéro,
nous nous arrêterons sur deux exemples frappants de la déception à
laquelle cette quête peut conduire lorsque des nations entières se
trouvent plongées dans le plus profond désespoir sans que se trouve le
moindre “consolateur”.
La Russie
des tsars est un exemple d’autocratie presque absolue.
La domination humaine -
Partie 6 — Fascisme et Nazisme
Fascisme: Régime dictatorial caractérisé
par une économie dirigée, une discipline sociale très stricte et un
nationalisme guerrier.
Nazisme: Le fascisme tel qu’il était
interprété par le parti ouvrier allemand national-socialiste sous
Hitler.
LE TERME “fascisme” évoque généralement dans
les esprits des groupes de combat italiens en chemises noires ou des
sections d’assaut allemandes en uniformes bruns arborant la croix gammée
(le svastika). Toutefois, l’Italie et l’Allemagne ne sont pas les
seuls pays à avoir fait l’expérience du fascisme.
Les années 30 virent une montée du fascisme
en Hongrie, en Roumanie et au Japon. Durant la guerre civile
d’Espagne, le soutien des fascistes aida Francisco Franco à devenir
le maître du pays. La plupart des historiens ne considèrent pas pour
autant sa dictature (1939-1975) comme ayant été un régime véritablement
fasciste par nature. Par contre, celle qu’établit Juan D. Perón
en Argentine (1943-1955) l’était bel et bien.
Le culte de
l’État
Le mot “fascisme” vient de l’italien fascio
et se rapporte à un symbole d’autorité utilisé dans
la Rome
antique. Appelé fasces en latin, il s’agissait d’une gerbe
de verges d’où dépassait le fer d’une hache, symbole approprié de
l’unité du peuple placé sous l’autorité suprême de l’État.
Bien que le fascisme remonte sous certains aspects
à l’époque de Nicolas Machiavel, ce n’est pas avant 1919, soit 450 ans
après la naissance de celui-ci, que le terme fascisme fut employé pour
la première fois par Benito Mussolini. La corruption qui régnait dans
les milieux politiques, affirmait Machiavel, ne pouvait être éliminée
que par un dirigeant autoritaire, impitoyable, mais néanmoins
perspicace.
C’est précisément d’un tel dirigeant —
fort, opportuniste et doté d’un certain charisme — dont a besoin un
régime fasciste pour fonctionner. D’ailleurs, Mussolini et Hitler
n’étaient-ils pas appelés respectivement Il Duce et der
Führer, c’est-à-dire “le conducteur”?
Le fascisme élève l’État au-dessus de toute
autorité, qu’elle soit religieuse ou civile. Jean Bodin, juriste français
du XVIe siècle, Thomas Hobbes, philosophe anglais du
XVIIe siècle, ainsi que les philosophes allemands des
XVIIIe et XIXe siècles Johann Gottlieb
Fichte, Georg Wilhelm Friedrich Hegel et Heinrich von Treitschke,
glorifiaient tous l’État. Hegel enseignait que celui-ci occupe une
position suprême et que le devoir ultime de l’individu est d’en être
le fidèle défenseur.
De par nature, tout gouvernement doit exercer
l’autorité. Mais les États fascistes sont organisés de manière à
l’exercer à son plus haut degré, réclamant une obéissance aveugle.
Considérant les humains comme guère plus que des esclaves de l’État,
Treitschke disait: “Peu importe ce que vous pensez, du moment que vous
obéissez.” Ainsi, le fascisme remplaça le cri “Liberté, égalité,
fraternité” lancé lors de
la Révolution
française par le slogan italien “Croire, obéir, combattre”.
La glorification de
la guerre
Combattre? En effet. “Seule la guerre porte à
leur plus haut degré l’ensemble des énergies humaines et confère la
noblesse aux peuples qui ont le courage de la mener à bonne fin”, a déclaré
un jour Mussolini. Et d’ajouter: “La guerre est à l’homme ce que
la maternité est à la femme.” Il qualifiait la paix perpétuelle de
“déprimante”, parlant d’elle comme d’“une négation de toutes
les vertus fondamentales de l’homme”. Par ces mots, Mussolini ne
faisait que reprendre la pensée de Treitschke, qui affirmait que la
guerre est une nécessité et que la bannir du monde ne serait pas
seulement profondément immoral, mais “causerait l’atrophie de
nombreuses forces essentielles et sublimes de l’âme humaine”.
Sur ce fond de guerre et de dictature, doit-on s’étonner
que nombre d’historiens fassent remonter le fascisme moderne aux jours
de Napoléon Ier? Certes, ce dictateur du début du XVIIe siècle
n’était pas fasciste. Reste que bien des aspects de sa politique,
tels que l’établissement d’une police secrète et l’utilisation
habile d’une presse censurée et propagandiste, furent adoptés plus
tard par les fascistes. Par ailleurs, sa détermination à rendre à
la France
sa gloire passée est assurément représentative du souci obsessionnel
de grandeur nationale par lequel les dirigeants fascistes se sont
distingués.
En 1922, les fascistes étaient déjà suffisamment
puissants pour que Mussolini soit nommé à la fonction de premier
ministre; une position dont il allait bientôt se servir pour se hisser
au rang de dictateur. Pour ce qui touchait aux salaires, aux heures de
travail et aux objectifs de production, les entreprises industrielles
privées étaient soumises à un contrôle gouvernemental strict. En
fait, on encourageait la libre entreprise seulement dans la mesure où
elle servait les intérêts du gouvernement. Les partis politiques
autres que le parti fasciste étaient interdits, de même que les
syndicats. L’État manipulait adroitement les médias, réduisant au
silence les opposants par la censure. On s’attachait particulièrement
à endoctriner les jeunes, et la liberté individuelle était considérablement
restreinte.
Le fascisme à
la mode allemande
“Bien qu’ils aient eu leur heure de gloire en même
temps, dit A. Cassels dans son livre Le fascisme
(angl.), le fascisme italien et le nazisme allemand différaient
nettement quant à leur nature et à leur vision de l’avenir.”
Outre les philosophes allemands déjà mentionnés
qui furent les précurseurs de la pensée fasciste, d’autres de leurs
compatriotes et homologues, tel Friedrich Nietzsche au XIXe siècle,
contribuèrent à la création d’un fascisme allemand. Non pas que
Nietzsche fût fasciste, mais il se prononçait en faveur d’une élite
dirigeante, d’une race de surhommes. Il ne pensait toutefois ni à une
race ni à une nation en particulier, et encore moins aux Allemands,
pour lesquels il n’avait pas d’attirance spéciale. Néanmoins,
certaines de ses idées étaient proches de la vision que les idéologues
du national-socialisme avaient de l’Allemand idéal. Ceux-ci se les
approprièrent donc, tout en rejetant celles qui ne correspondaient pas
à la doctrine nazie.
Hitler fut également fortement influencé par le
compositeur allemand Richard Wagner. Nationaliste et patriote fervent,
Wagner croyait l’Allemagne investie d’une grande mission dans le
monde. “Pour Hitler et les idéologues nazis, Wagner était le héros
parfait”, lit-on dans l’Encyclopédie du Troisième
Reich (angl.). Suit cette explication: “Le compositeur
incarnait la grandeur de l’Allemagne. Aux yeux de Hitler, la musique
de Wagner justifiait le nationalisme allemand.”
L’auteur William Shirer dit quant à lui:
“Cependant, ce ne sont pas les écrits politiques de Wagner, mais ses
admirables opéras, évocateurs de façon si vivante de l’antique
Germanie, avec ses légendes héroïques, ses dieux païens et ses héros
guerriers, ses démons et ses dragons, ses luttes sanglantes, ses mœurs
et ses conventions primitives, son sens du destin, de l’amour
splendide de la vie et de la noblesse de la mort, qui inspirèrent les
mythes de l’Allemagne moderne et lui donnèrent sa Weltanschauung
[en français: vision du monde] germanique, dont Hitler et ses nazis
purent non sans quelque justification s’emparer.”
La pensée de Nietzsche et celle de Wagner avaient
été modelées par le comte Joseph Arthur de Gobineau, diplomate et
ethnologue français qui, entre 1853 et 1855, avait écrit son Essai
sur l’inégalité des races humaines.
Il affirmait que la composition de la race déterminait le sort des
civilisations; aussi lançait-il cet avertissement: diluer les caractères
raciaux des sociétés aryennes se solderait à terme par leur déclin.
Le racisme et l’antisémitisme qui naquirent de
ces idées constituaient des particularismes du fascisme allemand, ces
deux théories étant moins marquées en Italie. En fait, les
manifestations d’antisémitisme dans ce dernier pays furent considérées
par nombre d’Italiens comme une indication que Hitler était en train
de remplacer Mussolini comme figure de proue du fascisme. L’influence
de Hitler sur le fascisme italien allait d’ailleurs s’accentuer.
Fascistes italiens et allemands souhaitaient faire
de leur pays une grande nation, mais ils prenaient pour cela deux
directions opposées. “Là où Mussolini aurait exhorté ses
compatriotes à imiter les Romains de l’Antiquité, explique A. Cassels,
la révolution spirituelle nazie visait à inciter les Allemands non
seulement à agir comme les géants teutons de jadis, mais à se faire
la réincarnation de ces héros tribaux au XXe siècle.”
En d’autres termes, l’Italie, en retard sur le plan industriel,
souhaitait reconquérir sa gloire passée en entrant dans le XXe siècle.
Par contre, l’Allemagne cherchait à reconquérir la sienne en se
repliant sur un passé mythique.
Les raisons de
leur arrivée au pouvoir
Dans la plupart des pays, les fascistes sont
parvenus au pouvoir à la suite d’un désastre national, d’une
faillite de l’économie ou d’une défaite militaire. Cela s’est vérifié
en Italie comme en Allemagne. Bien que rivales durant
la Première Guerre
mondiale, ces nations sortirent toutes deux très affaiblies du conflit,
minées par le mécontentement des nationalistes, le marasme économique
et le durcissement de la lutte des classes. L’Allemagne connaissait
une inflation galopante, et le nombre de chômeurs montait en flèche.
La démocratie battait de l’aile, toujours entravée qu’elle était
par le militarisme et l’autoritarisme séculaires de
la Prusse. En
outre, le spectre du bolchevisme soviétique était omniprésent.
Le concept de l’évolution et de la sélection
naturelle avancé par Charles Darwin fut un autre facteur décisif dans
la montée du fascisme. L’ouvrage The Columbia History
of the World parle de la “revivification du
darwinisme social dans les idéologies fascistes, tant de Mussolini que
de Hitler”.
L’Encyclopédie du Troisième
Reich appuie cette vision des faits en expliquant que le
darwinisme social était “l’idéologie qui sous-tendait la politique
hitlérienne du génocide”. Dans la droite ligne des enseignements
darwiniens de l’évolution, “les idéologues allemands soutenaient
que l’État moderne, plutôt que de consacrer son énergie à protéger
les faibles, devait rejeter ses citoyens inférieurs au profit des éléments
forts et en bonne santé”. Ils affirmaient que la guerre est un
processus normal dans la lutte pour la survie du plus adapté, que “la
victoire revient au fort et que le faible doit être éliminé”.
La leçon a-t-elle
porté?
Les Chemises noires ont disparu d’Italie, de même
que les sections d’assaut allemandes en uniformes bruns arborant la
croix gammée. Pourtant, des vestiges du fascisme subsistent en 1990. Il
y a deux ans, la revue Newsweek faisait observer que dans presque
toutes les nations d’Europe de l’Ouest “les forces d’extrême
droite sont en train de prouver une fois de plus qu’un racisme à
peine déguisé et qu’un appel au nationalisme et à l’autoritarisme
peuvent encore recevoir un soutien surprenant”.
Est-il sensé de placer sa confiance dans les
mouvements néo-fascistes? Les racines du fascisme, à savoir la théorie
darwinienne de l’évolution, le racisme, le militarisme et le
nationalisme, constituent-elles un fondement sûr permettant d’établir
un bon gouvernement? N’êtes-vous pas plutôt d’avis que, à
l’instar des autres formes de domination humaine, le fascisme a été
trouvé insuffisant?
Le fascisme — Ses fondements
sont-ils solides?
La théorie darwinienne de
l’évolution: “Un nombre croissant de savants, et notamment
d’évolutionnistes, (...) affirment que la théorie évolutionniste de
Darwin n’est pas une théorie vraiment scientifique.” — Michael
Ruse, New Scientist du 25 juin 1981.
Le racisme: “Le gouffre entre les
races et les peuples, quand il existe, est psychologique et
sociologique; mais il n’est pas génétique!” — Les gènes
et l’homme (angl.), du professeur Bentley Glass.
“Les êtres humains de toutes les races (...)
descendent du même premier homme.” — Hérédité et humains
(angl.), de l’auteur scientifique Amram Scheinfeld.
Le militarisme: “L’ingéniosité,
le travail et l’argent qui sont mis au service de cette (...) folie dépassent
vraiment l’entendement. Si les nations cessaient d’apprendre la
guerre, rien ne serait plus irréalisable pour le genre humain.” —
Herman Wouk, auteur américain et prix Pulitzer.
Le nationalisme: “Le nationalisme
divise l’humanité en groupes qui se montrent intolérants les uns
envers les autres. À cause de cela, les hommes pensent d’abord en
tant qu’Américains, Russes, Chinois, Égyptiens ou Péruviens, et
ensuite en tant qu’humains — si toutefois il leur arrive de penser
ainsi.” — Conflit et coopération parmi les
nations (angl.), Ivo Duchacek.
“Un grand nombre des problèmes que nous devons résoudre
aujourd’hui sont dus à de mauvaises attitudes, — certaines ayant été
adoptées presque inconsciemment. Parmi celles-ci, citons l’idée de
nationalisme étroit: ‘Qu’il ait tort ou raison, c’est mon
pays.’” — U Thant, ancien secrétaire général de
l’Organisation des Nations unies.
Ni les symboles religieux antiques, tels que la
croix gammée, ni la devise “Dieu est avec nous” n’ont pu sauver
le régime de Hitler.
La domination humaine —
Partie 7 —Socialisme et communisme
Socialisme:
Système social prônant la propriété et la gestion des moyens de
production par l’État; tenu par les communistes comme un stade intermédiaire
entre le capitalisme et le communisme. Communisme: Système
social prônant l’absence de classes, la propriété collective des
moyens de production et de subsistance, ainsi que la répartition équitable
des ressources économiques.
SI L’ON
en croit la mythologie grecque, l’humanité aurait connu son âge
d’or sous le règne du dieu Cronos. “Tous partageaient équitablement
leurs biens, la propriété privée était inconnue, rien ne venait
troubler la paix ni l’harmonie”, explique le Dictionnaire des
idéologies (angl.), ajoutant: “Le socialisme naquit de la
nostalgie d’un ‘Âge d’or’ perdu.”
Il fallut
toutefois attendre les premières décennies du XIXe siècle
pour voir le socialisme se hisser au rang de mouvement politique
moderne. Il reçut alors un accueil très favorable, surtout en France où
la Révolution
de 1789 avait entraîné une profonde remise en question des idées
traditionnelles. Dans ce pays, comme un peu partout en Europe, la révolution
industrielle était à l’origine de graves difficultés sociales. Les
conditions étaient donc propices à l’émergence de la thèse selon
laquelle les masses bénéficieraient d’une répartition plus équitable
des fruits du travail collectif si les ressources étaient propriété
de l’État et non plus de particuliers.
Le
socialisme n’est pas une doctrine nouvelle. Les philosophes grecs
Aristote et Platon en dissertaient déjà de leur temps. Au XVIe siècle,
en pleine Réforme, le prêtre catholique allemand Thomas Müntzer prônait
une société sans classes. Ses idées radicales ne faisaient cependant
pas l’unanimité, notamment lorsqu’il envisageait le recours à la révolution
comme un moyen de réaliser cet objectif. Au XIXe siècle,
le Gallois Owen, les Français Cabet et Proudhon, ainsi que de nombreux
autres réformateurs sociaux parmi lesquels d’éminents hommes d’Église,
enseignaient que le socialisme n’était rien de moins qu’un autre
nom donné au christianisme.
Les utopies de Marx et
de More
Néanmoins,
“aucun de ces porte-parole du socialisme n’exerça autant
d’influence que Karl Marx, dont les écrits devinrent la pierre de
touche de la pensée et de l’action socialiste”, explique
l’ouvrage cité plus haut. Marx professait que l’Histoire progresse
pas à pas sous l’impulsion de la lutte des classes et que cette
Histoire prendrait fin lorsque le système politique idéal aurait été
trouvé. Ce système idéal devait, selon lui, résoudre les problèmes
des sociétés précédentes. Chacun connaîtrait alors la paix, la
liberté et la prospérité. Les gouvernements et l’armée
deviendraient inutiles.
Voilà qui
rappelle de façon frappante ce qu’écrivait en 1516 Sir Thomas More,
homme d’État anglais, dans son livre Utopie. Ce terme,
“utopie”, fut forgé par More lui-même sur le grec ou-topos.
Il signifie “en aucun lieu” et constituait certainement un jeu de
mots avec l’expression similaire eu-topos, “bon lieu”.
L’Utopie de More était en effet un pays qui, pour être imaginaire
(en aucun lieu), n’en était pas moins idéal (bon lieu). Le mot en
vint à désigner “un lieu de perfection, particulièrement en matière
de lois, de gouvernement et de conditions sociales”. L’ouvrage de
More était en fait un réquisitoire en règle contre les conditions économiques
et sociales déplorables qui régnaient à l’époque en Europe
(surtout en Angleterre) et qui favoriseraient plus tard l’avènement
du socialisme.
Les théories
de Marx reflétaient également les vues du philosophe allemand Georg
Wilhelm Friedrich Hegel. Selon le Dictionnaire des idéologies,
“le caractère apocalyptique et quasi religieux du socialisme marxien
fut modelé par la relecture philosophique que Hegel fit de la théologie
chrétienne radicale”. Sur ce fond de “théologie chrétienne
radicale”, explique l’auteur Georg Sabine, Marx, “animé d’une
conviction quasi religieuse, [lança] un appel moral extrêmement
puissant, appel qui n’était rien de moins qu’une exhortation à
travailler aux progrès de la civilisation et de la justice”. Le
socialisme apparaissait comme la vague porteuse de l’avenir; c’était
pour certains une autre façon de désigner le christianisme en marche
vers la victoire.
Le passage du capitalisme
à l’utopie
Avant de
mourir, Marx n’eut le temps de publier que le premier volume de son œuvre
maîtresse, Das Kapital. C’est son plus proche
collaborateur, le philosophe socialiste allemand Friedrich Engels, qui rédigera
et publiera les deux autres volumes en 1885 et en 1894. L’ouvrage
analyse les mécanismes du capitalisme, le système économique qui régit
les démocraties représentatives occidentales. Reposant sur des échanges
commerciaux non réglementés et sur une concurrence dans laquelle l’État
n’intervient pas, explique Marx, le capitalisme concentre les moyens
de production et de distribution entre les mains de particuliers ou de
sociétés. Il produit donc une classe de bourgeois et une classe de
travailleurs, créant entre les deux un antagonisme qui se solde par
l’oppression des seconds. S’appuyant sur les travaux d’économistes
reconnus, Marx affirme que le capitalisme est en réalité non démocratique,
et que le socialisme constitue la forme la plus élevée de démocratie
en ce qu’il favorise le peuple par la défense de l’égalité et de
la liberté.
Pour
atteindre l’utopie, il faut que le prolétariat fasse la révolution,
se débarrasse de l’oppression de la bourgeoisie et instaure ce que
Marx appelle une “dictature du prolétariat”. (Voir l’encadré
page 21.) Avec le temps, Marx adoucit toutefois sa position. Il
concédera que la révolution peut revêtir deux formes: l’une
violente, l’autre graduelle et plus permanente. Voilà qui soulève
une intéressante question.
L’utopie par la révolution
ou par les réformes?
“Communisme”
dérive du latin communis, qui signifie “commun, qui appartient
à tous”. À l’instar du socialisme, le communisme reproche à la
libre entreprise d’engendrer le chômage, la pauvreté, les
fluctuations et les conflits entre ouvriers et patrons. La solution
communiste consiste à distribuer les richesses de la nation plus équitablement.
Mais à la
fin du XIXe siècle, les marxistes ne sont déjà plus
d’accord entre eux sur les moyens d’atteindre cet objectif commun.
Dans les premières années du XXe siècle, ce sont les
socialistes opposés à toute révolution violente et prônant plutôt
la collaboration avec le système démocratique parlementaire qui
prennent l’ascendant. De ce mouvement naîtra le socialisme démocratique,
celui-là même que l’on retrouve aujourd’hui en République fédérale
d’Allemagne, en France et en Grande-Bretagne. En fait, ces partis ont
rejeté la pensée marxiste authentique et cherchent seulement à créer
un État-providence pour la population.
Marxiste
pur et dur, Lénine, quant à lui, était intimement convaincu que
l’utopie communiste ne pourrait naître que de la révolution
violente. Ses idées, au même titre que celles de Marx, constituent
l’essence du communisme orthodoxe moderne. Lénine, dont le véritable
nom est Vladimir Ilich Oulianov, naît en 1870 dans ce qui est
aujourd’hui l’Union soviétique. C’est en 1889 qu’il se
convertit au marxisme. À partir de 1900, au terme d’un exil en Sibérie,
il vivra principalement en Europe occidentale. Après la chute du régime
tsariste, il retourne en Russie où il fonde le parti communiste russe
et prend la tête de
la Révolution
bolchevique de 1917. Il devient alors le maître de l’Union soviétique,
ce qu’il restera jusqu’à sa mort en 1924. À la différence des
mencheviks, Lénine voyait le parti communiste comme un groupe très
centralisé de révolutionnaires soumis à une discipline rigoureuse et
constituant l’avant-garde du prolétariat. — Voir l’encadré page 21.
De nos
jours, la ligne de démarcation entre révolution et réformes n’est
plus aussi bien définie. En 1978, le livre Comparaison des
systèmes politiques: Pouvoir et politique
de trois mondes (angl.) faisait le constat suivant:
“Le communisme est devenu plus ambivalent quant aux moyens
d’atteindre les objectifs socialistes. (...) Les différences entre le
communisme et le socialisme démocratique se sont considérablement atténuées.”
Les changements spectaculaires que subit actuellement le communisme dans
les pays d’Europe de l’Est sont d’ailleurs là pour le confirmer.
Le communisme réintroduit la
religion
“Nous
avons besoin de valeurs spirituelles. (...) Les valeurs morales que la
religion a générées et incarnées pendant des siècles peuvent
favoriser l’œuvre de reconstruction dans notre pays également.”
Peu de personnes pensaient jamais entendre de telles paroles dans la
bouche d’un secrétaire général du parti communiste d’Union soviétique.
C’est pourtant à cette étonnante volte-face que s’est livré Mikhaïl
Gorbatchev le 30 novembre 1989, à l’occasion d’un déplacement
en Italie.
Faut-il
voir là une confirmation de la thèse selon laquelle les premiers chrétiens
étaient des communistes, qui pratiquaient une forme de socialisme chrétien?
C’est ce que prétendent certains en s’appuyant sur le texte
d’Actes 4:32, qui dit des chrétiens de Jérusalem qu’“ils avaient
tout en commun”. Cependant, à l’examen il s’avère qu’il ne
s’agissait là que de mesures temporaires dictées par des
circonstances imprévues, et non d’un système permanent de socialisme
“chrétien”. Du fait qu’ils partageaient leurs biens matériels
avec amour, “nul n’était dans le besoin”. Effectivement, “c’était
(...) distribué à chacun, selon que la personne en avait besoin”.
— Actes 4:34, 35.
“Glasnost” et “perestroïka”
Depuis les
derniers mois de 1989, l’Union soviétique et ses pays satellites
d’Europe de l’Est connaissent des remaniements politiques pour le
moins étonnants. Grâce à la politique de glasnost, ou
transparence, le monde entier a été témoin de ces bouleversements.
Les réformes profondes demandées par les populations d’Europe de
l’Est ont, dans une certaine mesure, été acceptées. Des
responsables communistes ont reconnu le besoin d’un système plus
humain, moins rigide, et ont souhaité, pour reprendre les termes d’un
économiste polonais, une “renaissance du socialisme sous une forme
différente, plus éclairée et plus efficace”.
En tête de
ces dirigeants se trouve Mikhaïl Gorbatchev qui, peu après son arrivée
au pouvoir en
1985, a
lancé l’idée de la perestroïka (restructuration). Au cours
d’une visite en Italie, il a affirmé que la perestroïka était
indispensable pour relever les défis des années 90. “Ayant
emprunté le chemin de la réforme radicale, les pays socialistes
arrivent au point de non-retour, a-t-il dit. Toutefois, il est faux
d’affirmer, comme beaucoup le font à l’Ouest, que cela marque
l’effondrement du socialisme. Cela signifie au contraire que le
socialisme va poursuivre son développement dans le monde sous une
multiplicité de formes.”
Les
responsables communistes sont donc loin de partager l’opinion exprimée
l’année dernière par le chroniqueur Charles Krauthammer: “L’éternelle
question qui a hanté tous les philosophes politiques depuis Platon —
quelle est la meilleure forme de gouvernement? — a maintenant une réponse.
Après avoir passé quelques millénaires à essayer tous les systèmes
politiques possibles, nous terminons celui-ci avec la certitude
d’avoir trouvé dans la démocratie capitaliste, pluraliste et libérale
ce que nous cherchions.”
Plus
objectif, le quotidien allemand Die Zeit n’a pas hésité
à brosser le triste tableau des démocraties occidentales, mentionnant
le “chômage, l’alcoolisme, la drogue, la prostitution, la réduction
des programmes sociaux, l’augmentation de la pression fiscale et les déficits
budgétaires”; la question était ensuite posée: “Est-ce vraiment là
la société parfaite qui a triomphé définitivement du socialisme?”
Un proverbe
dit que ceux qui habitent des maisons de verre ne devraient pas jeter de
pierres. Quel gouvernement humain peut en effet, compte tenu de son
imperfection, se permettre de critiquer les faiblesses d’un autre? Les
faits montrent que le gouvernement humain parfait — l’Utopie —
n’existe pas. Les hommes politiques sont toujours à la recherche du
“bon lieu”, et celui-ci ne se trouve toujours “en aucun lieu”.
Notes
Marx est né
de parents juifs en 1818 dans ce qui était alors
la Prusse. Il
fit ses études en Allemagne et entama une carrière de journaliste. Après
1849, il passa la plus grande partie de sa vie à Londres, où il mourut
en 1883.
TERMINOLOGIE
SOCIALISTE ET COMMUNISTE :
BOLCHEVIKS/MENCHEVIKS: En 1903, le Parti ouvrier social-démocrate
russe fondé en 1898 se scinde en deux groupes: les bolcheviks (littéralement
“membres de la majorité”), avec Lénine à leur tête, sont
favorables au maintien d’un parti restreint composé d’un nombre
limité de révolutionnaires disciplinés; les mencheviks (“membres de
la minorité”) se prononcent en faveur d’un parti plus étoffé régi
par des méthodes démocratiques.
BOURGEOISIE/PROLÉTARIAT: Marx enseignait que le prolétariat (la
classe ouvrière) renverserait la bourgeoisie (la classe moyenne, dont
les industriels) et établirait une “dictature du prolétariat”, créant
ainsi une société sans classes.
EUROCOMMUNISME: Communisme des partis communistes d’Europe
occidentale. Indépendant du parti communiste soviétique, il accepte le
principe de la participation à un gouvernement de coalition et juge
qu’une “dictature du prolétariat” est désormais inutile.
KOMINTERN: Contraction russe d’Internationale communiste (ou
IIIe Internationale). Organisation créée par Lénine
en 1919 pour promouvoir le communisme. Dissoute en 1943, elle avait été
précédée par
la Ire
Internationale (1864-1876), qui donna naissance à de nombreux
groupes socialistes européens, et par
la IIe
Internationale (1889-1919), qui était un parlement international
des partis socialistes.
MANIFESTE DU PARTI COMMUNISTE: Déclaration rédigée en 1848,
dans laquelle Marx et Engels exposent les principales doctrines du
socialisme scientifique et qui a longtemps servi de texte de base aux
partis socialistes et communistes européens.
SOCIALISME SCIENTIFIQUE/UTOPIQUE: Expressions utilisées par Marx
pour distinguer ses thèses, censées reposer sur une analyse scientifique
de l’Histoire et des mécanismes du capitalisme, des thèses
socialistes purement utopiques de ses prédécesseurs.
La domination humaine -
Partie 8 - Nationalisme
Nationalisme: sentiment national par lequel
l’individu exalte son pays au-dessus de tout autre, en défendant
exclusivement la culture et les intérêts de sa nation. Devenu
manifeste à la fin du XVIIIe siècle, ce concept n’a
jamais recueilli autant de suffrages qu’au XXe siècle.
TITUBANT d’une crise à l’autre, les
gouvernements humains sont incapables d’apporter la stabilité à la
société humaine. Or, si l’on en croit Zbigniew Brzezinski,
conseiller pour la sécurité nationale auprès de l’ancien président
américain Jimmy Carter, la situation n’est pas près de changer.
Pour les besoins d’un article paru en 1985 sous
le titre “Le déclin de notre monde”, Georgie Anne Geyer a interviewé
plusieurs hommes politiques de premier plan, dont M. Brzezinski à
qui elle attribue les propos suivants: “Les facteurs qui contribuent
à déstabiliser le monde sont plus que jamais en train de l’emporter
sur les efforts déployés en vue d’une coopération structurée.
L’analyse objective des courants mondiaux n’appelle qu’une
conclusion: l’agitation sociale, les troubles politiques, le marasme
économique et les frictions internationales ne feront probablement que
s’accentuer en cette fin de siècle.”
Sombre prédiction s’il en est, qui ne surprend
pourtant pas les étudiants de
la Bible. De
fait, voilà bien longtemps que cette situation a été annoncée. Quand
cela? Et où?
Un rêve troublant
Nébucadnezzar, roi de Babylone de 624 à 582 avant
notre ère, fit une nuit un rêve troublant: il vit une image immense
dont la tête était d’or, la poitrine et les bras d’argent, le
ventre et les cuisses de cuivre, les jambes de fer, les pieds et les
orteils de fer mêlé à de l’argile. Daniel, prophète de Dieu,
expliqua au monarque la signification de cette image, en ces termes:
“Toi, ô roi, (...) toi, tu es la tête d’or. Et après toi se
dressera un autre royaume, inférieur à toi; et un autre royaume, un
troisième, de cuivre, qui dominera sur toute la terre.” L’image
avait donc manifestement trait à la domination humaine. —
Daniel 2:37-39.
Avant les jours de Daniel, l’Égypte et
l’Assyrie avaient toutes les deux opprimé Israël, le peuple élu de
l’Auteur de
la Bible
Exode 19:5 « Et maintenant, si
vous obéissez strictement à ma voix et si vous gardez vraiment mon
alliance, alors, à coup sûr, vous deviendrez mon bien particulier
parmi tous les [autres] peuples, car toute la terre m’appartient. »
. Si l’on s’en tient au contexte biblique, ces
deux nations ont ainsi acquis le rang de puissances mondiales, les premières
d’une série de sept dont parlent les Écritures
Révélation 17:10 « Et il y a
sept rois : cinq sont tombés, l’un est, l’autre n’est pas
encore arrivé, mais quand il arrivera, il doit demeurer peu de temps. »
. Puis, à l’époque de Daniel, Babylone renversa
Jérusalem et emmena les Israélites en exil. Elle devenait ainsi la
troisième de ces puissances mondiales, décrite fort à propos dans ce
cas précis comme “la tête d’or”.
La Bible
et l’histoire profane identifient les autres puissances mondiales qui
devaient encore se lever à l’Empire médo-perse,
la Grèce
, Rome et la double Puissance anglo-américaine.
Ces nations sont qualifiées par
la Bible
de puissances mondiales en raison de leurs rapports avec le peuple de
Dieu et parce qu’elles se sont opposées à la loi divine qu’il défendait.
L’image vue par Nébucadnezzar illustrait donc bien le fait que la
domination humaine continuerait de s’exercer à l’encontre de la
souveraineté de Dieu même lorsque Son royaume aurait disparu. La
succession des puissances mondiales représentées par les différentes
parties de la statue a commencé avec la tête. Par conséquent, les
pieds et les orteils devaient symboliser les manifestations ultimes de
la domination humaine au “temps de la fin”, selon l’expression
utilisée par Daniel. À quoi devons-nous donc nous attendre? —
Daniel 2:41-42 “ Puisque tu as
vu que les pieds et les orteils étaient en partie d’argile modelée
de potier et en partie de fer, le royaume sera divisé, mais il s’y
trouvera quelque chose de la dureté du fer, étant donné que tu as vu
le fer mêlé à de l’argile humide. 42 Et
quant aux orteils des pieds étant en partie de fer et en partie
d’argile modelée : le royaume sera en partie fort et sera en
partie fragile. »
Daniel 12:4 “ Et quant à toi,
ô Daniel, rends secrètes ces paroles et scelle le livre, jusqu’au
temps de [la] fin. Beaucoup rôderont çà et là, et la [vraie]
connaissance deviendra abondante. ” »
‘Dix orteils’
Étant donné que les serviteurs de Dieu
n’appartiennent plus à une seule nation ni ne sont regroupés en un même
lieu géographique, ils ne peuvent être opprimés par une puissance
mondiale unique
Actes 1:8 « mais vous recevrez
de la puissance lorsque l’esprit saint surviendra sur vous, et vous
serez mes témoins non seulement à Jérusalem, mais aussi dans toute
la Judée
et
la Samarie
, et jusque dans la région la plus lointaine de la terre. ” »
Actes 10:34-35 « Alors Pierre
ouvrit la bouche et dit : “ Vraiment, je me rends compte que
Dieu n’est pas partial, 35 mais qu’en toute
nation l’homme qui le craint et pratique la justice est agréé de
lui. »
. Ils vivent dans toutes les nations et sous tous
les types de gouvernement, et annoncent avec zèle que le temps de la
fin a commencé et que les jours de la domination humaine sont comptés:
bientôt celle-ci sera remplacée par la domination divine. Le message
hardi qu’ils proclament s’adresse donc à toutes les
puissances politiques. D’ailleurs, le chiffre “dix” est utilisé
dans
la Bible
pour désigner la plénitude quant aux choses terrestres. C’est donc
l’ensemble des gouvernements humains, coalisés contre la souveraineté
divine au temps de la fin, que représentent logiquement les ‘dix
orteils’ de l’image.
Quelle était la situation politique à l’aube de
cette époque prédite par les Écritures? Alors qu’en 1800 les
nations européennes exerçaient leur domination sur 35 % du globe,
en 1914 ce chiffre était passé à plus de 84 %. Un ouvrage
d’histoire (The Collins Atlas of World
History) écrit: “À la veille de
la Première Guerre
mondiale, il semblait qu’un petit nombre de grandes puissances se
soient partagé la quasi-totalité de la carte du monde.” En fait,
selon Hugh Brogan, historien à l’université de l’Essex
(Angleterre), tout prêtait à croire que “le monde entier serait
avant longtemps dirigé par une demi-douzaine de puissances”.
Il n’aurait guère été sensé de parler de ‘dix
orteils’ pour symboliser l’ensemble des gouvernements mondiaux qui
n’auraient été qu’une demi-douzaine. Ainsi, pour que, conformément
à la prophétie, les ‘dix orteils’ aient une réalité, la
situation politique existant en 1914 devait changer.
Au soir du XIXe siècle, l’Empire
britannique, le plus vaste empire jamais connu jusqu’alors, régnait
sur plus d’un quart de la population mondiale, et d’autres empires
européens comptaient des millions de sujets.
La Première Guerre
mondiale allait pourtant déboucher sur un triomphe du nationalisme.
Paul Kennedy, professeur d’histoire à l’Université Yale, explique:
“En Europe, le changement le plus marquant du point de vue territorial
et juridique, c’est l’apparition d’une série d’États nationaux
— Pologne, Tchécoslovaquie, Autriche, Hongrie, Yougoslavie, Finlande,
Estonie, Lettonie et Lituanie — dans des territoires qui faisaient antérieurement
partie de l’Empire des Habsbourg, de celui des Romanov ou de celui des
Hohenzollern.”
Après
la Seconde Guerre
mondiale, cette tendance allait s’accélérer, le nationalisme
connaissant alors une véritable explosion. Plus particulièrement après
le milieu des années 50, le courant devint irréversible. Ainsi
sonnait le glas de cinq siècles d’expansionnisme européen dans un décor
d’empires coloniaux réduits à néant, tandis que le nombre des
nations augmentait de façon spectaculaire en Afrique, en Asie et au
Moyen-Orient.
Selon
la Nouvelle Encyclopédie
britannique, ce “processus démentait les conceptions qui
avaient dominé la pensée politique au cours des 2 000 ans écoulés”.
Alors que “jusque-là l’homme avait habituellement tendu vers le général
et l’universel, considérant l’unité comme l’objectif à
atteindre”, le nationalisme mettait maintenant l’accent sur les différences
nationales. Plutôt que de contribuer à la cohésion, il favorisait la
désunion.
Du fer et
de l’argile
On notera que dans sa description de l’image,
la Bible
dit des pieds et des orteils qu’ils sont “en partie de fer et en
partie d’argile modelée”, ajoutant ceci: “Le royaume s’avérera
divisé, (...) se révélera en partie fort et se révélera en partie
fragile (...), mais ils ne s’attacheront pas.” (Daniel
2:33, 41-43). Cette absence de cohésion devint évidente lors de la
décolonisation, quand le nationalisme fleurit et que les pays
nouvellement apparus gagnèrent en stature. Le monde glissait rapidement
dans un processus de fragmentation politique.
À l’image des pieds et des orteils de la statue,
constitués de deux matériaux difficiles à amalgamer, le fer et
l’argile, certains gouvernements se sont révélés de fer (régimes
autoritaires ou tyranniques), d’autres d’argile (régimes plus
souples ou démocratiques); si bien qu’ils n’ont pu, comme on le conçoit,
s’allier pour réaliser l’unité internationale. Parlant de ce phénomène
comme d’une caractéristique de notre époque, le livre Notre monde
hier, aujourd’hui et demain — De 1800
à l’an 2000 (allemand) fait observer: “Au
XIXe siècle, la liberté démocratique prévalait dans
presque toutes les nations civilisées et, au sortir de
la Première Guerre
mondiale, il semblait que la cause de la liberté était en passe de
l’emporter définitivement. (...) Avec la révolution russe de 1917,
la dictature réapparut. Depuis lors, le XXe siècle
se caractérise par la coexistence et
la confrontation de la dictature et
de la démocratie.” — C’est nous qui
soulignons.
Le pouvoir du
peuple
On notera également que durant la domination des
‘dix orteils’, le peuple, “la progéniture des humains”, serait
appelé à participer toujours plus activement aux affaires
gouvernementales. L’Histoire confirme-t-elle cette prédiction? — Daniel
2:43.
La démocratie, ou gouvernement par le peuple,
remporta un succès considérable juste après
la Première Guerre
mondiale, bien qu’au cours des années 20 et 30 elle ait cédé
le pas à la dictature dans diverses régions du globe. Après
la Seconde Guerre
mondiale, la décolonisation engendra à nouveau un certain nombre de démocraties.
Plus tard, toutefois, dans les années 60 et 70, nombre
d’anciennes colonies se donnèrent des formes de gouvernement plus
autoritaires.
Reste qu’en notre XXe siècle la
tendance est à remplacer les monarchies et les autocraties par des régimes
démocratiques. À ce propos, la revue Time décrivait l’année
écoulée comme “l’année du peuple”, faisant référence aux
bouleversements politiques survenus en Europe de l’Est. Et, lors de la
chute du mur de Berlin, le quotidien allemand Der Spiegel
a titré en gros caractères “Das Volk siegt”
(“Le peuple a vaincu”).
De grands discours,
mais peu d’actes
Dans tous les pays de l’Est où le peuple a exigé
et obtenu la réforme du système politique, on a réclamé
l’organisation d’élections libres sur le principe du multipartisme.
Dans leur forme actuelle, les partis politiques sont nés au XIXe siècle
en Europe et en Amérique du Nord. À partir du milieu de notre siècle,
ils ont essaimé dans le monde entier, pour être aujourd’hui plus
grands, plus forts et mieux organisés que jamais. Par leur intermédiaire
comme par celui des syndicats, des groupes de pression, des mouvements
de défense de l’environnement et d’un nombre incalculable
d’autres organisations publiques, le pouvoir du peuple s’exprime
avec une force et une fréquence jusque-là inconnues.
Cependant, plus il y a de gens qui s’engagent
dans la politique, plus il est difficile de parvenir à un consensus
politique. De la multitude d’opinions et d’intérêts conflictuels
émergent bien souvent des gouvernements minoritaires, des gouvernements
aux poings liés qui, s’ils sont experts dans les grands discours, se
révèlent décevants sur le terrain.
De même que le fer et l’argile ne se mêlent
pas, de même l’amalgame politique mondial tel qu’il existe depuis
1914 s’est révélé fragile. Révolue, par exemple, l’époque où
l’on demandait l’aide de Dieu pour gouverner; ce qui a inspiré
cette réflexion de l’ouvrage The Columbia History
of the World: “La civilisation occidentale ne
peut donc plus compter que sur elle-même, prenant de ce fait conscience
de son incapacité.”
L’optimisme est-il permis?
“Pourquoi ces événements distincts, mais
cependant liés, devaient-ils se produire simultanément au cours de la
seconde moitié du XXe siècle? Pourquoi le monde
menace-t-il de s’écrouler à l’époque même où l’homme n’a
jamais autant progressé dans le domaine scientifique?” Ces questions,
soulevées par Georgie Anne Geyer, suscitent la réflexion. Mais
quelqu’un possède-t-il la réponse?
Voilà près de dix ans, The World Book
Encyclopedia disait avec optimisme: “Nous avons probablement
davantage de chances de résoudre nos difficultés que toute autre génération
passée.” Aujourd’hui, alors que débutent les années 90, y
a-t-il toujours lieu d’être optimiste? ‘Oui’, répondrez-vous
peut-être en évoquant la fin de la guerre froide, la coopération
accrue entre l’Est et l’Ouest, ainsi que les progrès substantiels
du désarmement.
Les Écritures avaient prédit ces changements. Le
règne de
la Septième Puissance
mondiale devait en effet être marqué par l’établissement d’un
huitième roi dont la mission serait d’unir les nations (Révélation
17:11). Allait-il réussir? C’est la question à laquelle répondra la
9e partie de cette série.
“Tout royaume divisé contre lui-même est réduit
en désolation.” — Matthieu
12:25.
“Les nations devinrent turbulentes, les royaumes
chancelèrent.” — Psaume
46:6.
La domination humaine -
Partie 9 — Systèmes politiques
supranationaux
Systèmes politiques supranationaux:
Empires, sociétés, confédérations ou fédérations formés à titre
temporaire ou permanent par des nations-États dont les objectifs
communs transcendent les frontières, l’autorité ou les intérêts
nationaux.
EN CETTE soirée du 5 octobre de l’an 539
avant notre ère, l’ambiance est à la fête à Babylone. Un millier
de hauts fonctionnaires honorent de leur présence un festin auquel les
a conviés le roi Belschazzar. La menace des Mèdes et des Perses, qui
assiègent la ville, ne préoccupe ni le monarque ni ses grands. Après
tout, Babylone n’est-elle pas protégée par des murailles
imprenables? Il n’y a donc pas péril en la demeure.
Soudain, alors que la fête bat son plein, une main
apparaît dont les doigts tracent sur le mur du palais ces mots inquiétants:
MENÉ, MENÉ, TEKEL et PARSÎN. Blêmissant, le roi sent ses genoux
s’entrechoquer. — Daniel 5:5,
6, 25.
Daniel est Israélite. Il est aussi adorateur du
Dieu que Belschazzar et ses fonctionnaires étaient en train de narguer.
On le convoque pour qu’il explique le message. “Voici l’interprétation
de la parole, dit Daniel: MENÉ: Dieu a compté les jours de ton royaume
et y a mis fin. TEKEL: tu as été pesé dans la balance et tu as été
trouvé insuffisant. PÉRÈS: ton royaume a été divisé et donné aux
Mèdes et aux Perses.” Manifestement, la prophétie ne présage rien
de bon. De fait, “dans cette nuit-là, Belschazzar, le roi chaldéen,
fut tué”. — Daniel 5:26-28, 30.
En une nuit, une forme de domination humaine céda
la place à une autre. Sur le vu des bouleversements politiques
similaires qui se sont produits dernièrement en Europe de l’Est, se
pourrait-il qu’il y ait là une leçon à tirer pour notre époque?
Faut-il voir dans ce qui est arrivé à Belschazzar une image de ce qui
attend l’ensemble de la domination humaine? Nous avons toutes les
raisons de méditer sur ces questions, car, pour reprendre les termes de
Jacques Barzun, professeur à l’Université Columbia, “des
civilisations entières ont bel et bien disparu. Les effondrements
spectaculaires de
la Grèce
et de Rome ne sont pas des mythes”.
Les hommes ont fait l’expérience de toutes les
formes de gouvernement possibles et imaginables. Quel est le bilan de
milliers d’années de tâtonnement? La domination humaine est-elle
satisfaisante? Peut-elle apporter des solutions aux problèmes
grandissants de l’humanité?
Des promesses, toujours
des promesses!
Bakul Rajni Patel, directrice d’un grand centre
de recherche à Bombay (Inde), apporte un élément de réponse.
Accusant les hommes politiques d’“hypocrisie absolue”, elle
explique: “En Inde et dans d’autres pays du tiers monde, il est de
mode que les dirigeants montent à la tribune et se lancent dans des
discours vibrants sur le ‘développement’ et le ‘progrès’. Quel
développement? Quel progrès? Qui espère-t-on tromper? Les chiffres
sont là, implacables, et ils parlent d’eux-mêmes: chaque jour,
40 000 enfants du tiers monde meurent de maladies évitables.”
Et d’ajouter qu’au moins 80 millions d’enfants sous-alimentés
se couchent tous les soirs avec la faim au ventre.
‘Pas si vite, protesteront certains,
reconnaissons au moins aux hommes politiques le mérite d’essayer. Si
l’on veut sortir le monde de la situation catastrophique dans laquelle
il se trouve, une forme ou une autre de gouvernement est
indispensable!’ Rien n’est plus vrai. Mais la question est de savoir
si ce gouvernement doit être d’origine humaine ou d’origine divine.
Trouvez-vous cette idée naïve, pensant, comme
beaucoup, que Dieu a décidé de rester en dehors de cette affaire? Le
pape Jean-Paul II, par exemple, semble considérer que Dieu a laissé
aux hommes le soin de se gouverner par eux-mêmes en faisant de leur
mieux. Il y a une dizaine d’années, pendant un voyage au Kenya, il a
en effet déclaré: “L’un des grands défis que le chrétien doit
relever est celui de la vie politique. Dans un État, les citoyens ont
le droit et le devoir de participer à la vie politique. (...) Il serait
faux de penser que le chrétien doit rester à l’écart de ces
questions quotidiennes.”
C’est sur cette base, et souvent encouragés en
cela par la religion, que les hommes cherchent depuis longtemps le
gouvernement parfait. Toute apparition d’une nouvelle forme de
domination s’est accompagnée de grandes promesses. Mais les
promesses, même les plus belles, ont un goût bien amer lorsqu’elles
ne sont pas tenues. Pour parler clair, les hommes n’ont pas trouvé le
gouvernement idéal.
“Ceignez-vous!”
Le savant atomiste Harold Urey était-il sur la
bonne voie? Il soutenait qu’“on ne trouvera aucune solution pratique
aux problèmes du monde si l’on ne finit pas par instaurer un
gouvernement universel capable de promulguer des lois pour toute la
terre”. Cependant, tout le monde n’est pas convaincu de la réussite
d’un tel projet, pour la bonne raison que, dans le passé, les
tentatives de coopération au sein d’organismes internationaux se sont
presque systématiquement soldées par des échecs. Arrêtons-nous sur
un exemple significatif.
Après
la Première Guerre
mondiale, le 16 janvier 1920 fut créée une organisation
supranationale forte de 42 États membres:
la Société
des Nations. Parlement universel plutôt que gouvernement, elle avait
pour vocation de promouvoir l’unité mondiale, notamment en réglant
les contentieux entre nations-États souveraines, et, ce faisant,
d’empêcher la guerre. En 1934, le nombre de ses membres était passé
à 58.
Mais la SDN reposait sur un fondement
instable. “
La Première Guerre
mondiale s’était achevée sur de grands espoirs, mais la désillusion
ne tarda pas à s’installer, explique The Columbia History
of the World. Les espoirs placés dans
la Société
des Nations se révélèrent illusoires.”
Le 1er septembre 1939, le déclenchement
de
la Seconde Guerre
mondiale plongea la SDN dans l’abîme de l’inactivité. Bien
qu’elle ne fût officiellement dissoute que le 18 avril 1946,
pour ce qui est de sa mission elle mourut dans sa vingtième année,
sans avoir franchi le cap de l’adolescence. Avant même ses funérailles
officielles, elle avait été remplacée par un autre organisme
supranational créé le 24 octobre 1945 avec 51 États
membres: l’Organisation des Nations unies. Quels seraient les résultats
de cette nouvelle tentative de coalition?
Nouvelle tentative
Certains attribuent l’échec de
la Société
des Nations à des erreurs de conception. D’autres font porter la
responsabilité, non à l’organisme lui-même, mais principalement aux
gouvernements qui ont rechigné à lui apporter le soutien voulu. Il y a
sans doute un peu de vrai dans chacune de ces explications. Toujours
est-il que les fondateurs de l’ONU ont essayé de tirer des leçons du
manque d’efficacité de la SDN et de remédier à certaines de
ses faiblesses.
D’après l’auteur R. Baldwin, les Nations
unies “sont mieux armées que la défunte SDN pour créer un ordre
mondial régi par la paix, la coopération, les lois et le respect des
droits de l’homme”. De fait, certains de ses organismes spécialisés,
tels que l’OMS (Organisation mondiale de la santé), l’UNICEF (Fonds
des Nations unies pour l’Enfance) et la FAO (Organisation pour
l’alimentation et l’agriculture), poursuivent des objectifs louables
avec un certain succès. Ce qui semble également donner raison à M. Baldwin,
c’est le fait que les Nations unies ont maintenant 45 ans
d’existence, soit deux fois plus que la SDN.
Une réalisation majeure à mettre à l’actif des
Nations unies est l’activation du processus de décolonisation. Selon
le journaliste Richard Ivor, l’intervention de l’ONU aura au moins
permis à cette décolonisation de “se dérouler de façon un peu plus
ordonnée qu’il n’aurait été autrement”. Le même observateur
affirme par ailleurs que l’ONU “a contribué à circonscrire la
guerre froide autour des champs de bataille de la rhétorique”, et il
fait l’éloge du “modèle fonctionnel de coopération
internationale” dont l’organisme a permis la mise en place.
D’un autre côté, certains détracteurs
affirment que, plus que les Nations unies, c’est la menace d’un
conflit nucléaire qui a empêché la guerre froide de tourner à la
guerre ouverte. De fait, au lieu de tenir la promesse dont son nom est
porteur — unir les nations —, l’ONU s’est révélée
n’être souvent guère plus qu’un intermédiaire essayant d’empêcher
des nations désunies de s’entre-déchirer. Et même dans ce rôle
d’arbitre, elle ne se montre pas toujours à la hauteur. Comme
l’explique M. Baldwin, à l’instar de
la Société
des Nations, “les Nations unies sont impuissantes à faire plus que ce
qu’un État membre mis en accusation a la bonne grâce de
permettre”.
Le peu d’enthousiasme avec lequel les États
membres soutiennent l’ONU se voit dans la mauvaise volonté qu’ils
montrent parfois à acquitter leur contribution financière. C’est
ainsi que les États-Unis, l’un des principaux bailleurs de fonds de
l’organisation, ont différé leur versement à la FAO à cause
d’une résolution qu’ils jugeaient défavorable à Israël et
propalestinienne. Par la suite, ils ont accepté de verser juste assez
pour conserver leur droit de vote, mais plus des deux tiers de leur dû
sont restés impayés.
En 1988, Varindra Tarzie Vittachi, ancien directeur
adjoint de l’UNICEF, a écrit qu’il refusait “de rejoindre le
parti des lyncheurs” qui désavouaient les Nations unies. Se présentant
comme un “critique fidèle”, il a néanmoins admis que l’ONU
essuyait de nombreuses attaques de la part de gens pour qui elle “est
une ‘lumière qui faiblit’, [une organisation] qui ne s’est pas
montrée à la hauteur de ses idéaux élevés, qui n’a pas été
capable d’assumer sa mission de gardienne de la paix et dont les
organismes de développement, à quelques rares exceptions, n’ont pas
justifié leur existence”.
Richard Ivor met le doigt sur la principale
faiblesse des Nations unies quand il écrit: “Quoi qu’elle puisse
faire par ailleurs, l’ONU n’abolira pas le péché. Elle peut rendre
la pratique du péché à l’échelle internationale plus difficile et
faire en sorte que le pécheur ait davantage de comptes à rendre, mais
elle n’a pas encore réussi à changer
le cœur et l’esprit des gouvernants ou
des gouvernés.” — C’est nous qui soulignons.
Ainsi, les Nations unies ont le même défaut que
toutes les autres formes de gouvernement humain. Aucune n’est en
mesure d’insuffler à l’homme l’amour désintéressé de la
justice, la haine du mal et le respect de l’autorité qui sont
indispensables pour réussir. Songez aux montagnes de difficultés
qu’il serait possible d’aplanir si les hommes étaient disposés à
vivre selon des principes justes! Par exemple, un reportage sur la
pollution en Australie signale que le problème réside “non pas dans
l’ignorance, mais dans l’état d’esprit [des gens]”. Citant
l’avidité comme cause fondamentale, l’article précise que “la
politique du gouvernement a aggravé la situation”.
Des hommes imparfaits sont tout bonnement
incapables de créer des gouvernements parfaits. Comme l’écrivit le
poète Thomas Carlyle en 1843, “à la longue, tout gouvernement est le
reflet exact de ses gouvernés, avec leur bon sens et leur manque de bon
sens”. Qui dira le contraire?
“Soyez mis en
pièces!”
Les jours de la domination humaine sont comptés.
Les gouvernements ont fomenté la plus impudente et provocante
conspiration qui soit contre la domination divine
(Isaïe 8:11-13) Car voici ce que Jéhovah
m’a dit à force de main, pour faire que je me détourne de marcher
dans la voie de ce peuple, en disant : 12 “ Vous
ne devez pas dire : ‘ Conspiration ! ’ de tout
ce dont ce peuple dit sans cesse : ‘ Conspiration ! ’
et l’objet de sa crainte, vous ne devez pas le craindre, vous ne devez
pas non plus trembler. 13 Jéhovah des armées
— c’est Lui que vous devez tenir pour saint, et il doit être
l’objet de votre crainte, et c’est Lui qui doit vous faire trembler. ”
. Ils ne l’ont d’ailleurs pas fait une fois
seulement, mais à deux reprises: d’abord avec
la Société
des Nations, puis avec les Nations unies. Révélation
13:14, 15 parle de l’instrument de ce complot comme de
“l’image de la bête sauvage”. Ce nom est on ne peut plus approprié,
car il est effectivement une image du système politique mondial que les
hommes ont mis en place sur la terre. À l’instar d’une bête
sauvage, des éléments de ce système politique n’ont cessé de
traquer les habitants de la terre et de provoquer des drames sans nom.
La Société
des Nations a connu une fin désastreuse en 1939. Conformément aux
prophéties de
la Bible
, le même sort attend les Nations unies. “Ceignez-vous et soyez mis
en pièces! Ceignez-vous et soyez mis en pièces! Arrêtez un projet, et
il sera rompu!” — Ésaïe
8:9, 10.
Quand surviendra la destruction finale de
“l’image de la bête sauvage” et du système de domination humaine
dont elle est le reflet? Quand Jéhovah mettra-t-il fin à la domination
humaine, qui défie sa souveraineté?
La Bible
ne donne pas de date précise, mais ses prophéties ainsi que les événements
mondiaux attestent que ce temps est désormais très court.
Luc 21:25-32 “ De plus, il y
aura des signes dans le soleil et la lune et les étoiles, et sur la
terre angoisse des nations, ne sachant que faire à cause du mugissement
de la mer et de [son] agitation, 26 tandis que
les hommes défailliront par peur et attente des choses venant sur la
terre habitée ; car les puissances des cieux seront ébranlées. 27 Et
alors ils verront le Fils de l’homme venir dans un nuage avec
puissance et grande gloire. 28 Mais, quand ces
choses commenceront à arriver, redressez-vous et relevez la tête,
parce que votre délivrance approche. ” 29 Là-dessus
il leur donna un exemple : “ Regardez le figuier et tous les
autres arbres : 30 quand déjà ils ont des
bourgeons, en le remarquant, vous savez de vous-mêmes que maintenant
l’été est proche. 31 De même vous aussi,
quand vous verrez ces choses arriver, sachez que le royaume de Dieu est
proche. 32 Vraiment, je vous le dis : Non,
cette génération ne passera pas que tout n’arrive. »
L’écriture sur le mur est là, visible pour tous
ceux qui y prêtent attention. Aussi sûrement que le royaume de
Belschazzar fut pesé dans la balance et trouvé insuffisant, la
domination humaine dans son ensemble a été jugée et trouvée inapte.
Elle tolère la corruption politique, déclenche des guerres, encourage
toutes sortes de comportements hypocrites et égoïstes, et néglige de
fournir à ceux qui la soutiennent le logement, la nourriture,
l’instruction et les soins médicaux nécessaires.
Lorsque la domination humaine disparaîtra, ce sera
comme en une nuit. Encore debout aujourd’hui, elle cédera bientôt la
place au Royaume de Dieu, un gouvernement enfin parfait!
Les promesses et la réalité
L’anarchie
promet la liberté absolue et sans limites. Dans la réalité,
l’absence de gouvernement empêche la mise en place d’un ensemble de
règles ou de principes à l’intérieur duquel les individus
pourraient coopérer pour leur bien mutuel. La liberté illimitée
engendre le chaos.
La
monarchie promet la stabilité et l’unité sous la
direction d’un souverain unique. Dans la réalité, les monarques
humains sont limités en connaissances, entravés par leur imperfection
et leurs faiblesses et parfois animés de mauvais mobiles. Comme, de
surcroît, ils sont mortels, la stabilité et l’unité ne peuvent être
que de courte durée.
L’aristocratie
promet les dirigeants les plus capables. Dans la réalité, ceux-ci
doivent leur fonction à leur richesse, à la noblesse de leur rang ou
à leur puissance, et pas nécessairement à leur sagesse, à leur
perspicacité ou à leur altruisme. Le souverain unique et médiocre du
système monarchique se trouve simplement remplacé par une classe élitaire
de dirigeants.
La
démocratie promet de laisser au peuple le soin de déterminer
ce qui est le mieux pour la communauté. Dans la réalité, les citoyens
n’ont ni les connaissances ni le désintéressement nécessaires pour
prendre immanquablement les bonnes décisions en vue du bien de tous.
Platon a décrit la démocratie comme un “régime plein d’agrément,
dépourvu d’autorité, non de bariolage, distribuant aux égaux aussi
bien qu’aux inégaux une manière d’égalité”.
L’autocratie
promet des résultats sans délai. Dans la réalité, comme l’écrit
le journaliste Otto Friedrich, “même les hommes les mieux intentionnés,
une fois qu’ils sont plongés dans la jungle du pouvoir politique, se
trouvent dans l’obligation de prendre des décisions qu’ils seraient
enclins à juger immorales en temps normal”. C’est ainsi que de
“bons” autocrates se muent en des dirigeants assoiffés de pouvoir,
prêts à sacrifier les besoins de leurs concitoyens sur l’autel de
leur ambition personnelle.
Le
fascisme promet le bonheur pour tous grâce à l’économie
dirigée. Dans la réalité, les résultats, qui ne sont pas
transcendants, sont obtenus aux dépens de la liberté individuelle.
Glorifiant la guerre et le nationalisme, le fascisme a produit des
monstruosités comme l’Italie de Mussolini et l’Allemagne de Hitler.
Le
communisme promet la création d’une Utopie, société sans
classes dans laquelle les citoyens jouiraient d’une égalité totale
devant la loi. Dans la réalité, les classes et les inégalités
subsistent, et des politiciens corrompus exploitent le peuple. Il en résulte
un rejet du communisme, ses bastions se trouvant aujourd’hui menacés
d’éclatement sous la pression des mouvements nationalistes et séparatistes.
À propos des Nations unies
▪ Les Nations unies comptent actuellement 160 membres.
Les seuls pays à ne pas encore en faire partie sont les deux Corées et
la Suisse. Un
plébiscite organisé en Suisse en mars 1986 a révélé que 75 %
de la population étaient opposés à son adhésion.
▪ Autour de l’organisation principale
gravitent 55 organismes, services spéciaux, commissions des droits
de l’homme et autres missions de maintien de la paix.
▪ Chaque État membre possède une voix à
l’Assemblée générale, alors que la nation la plus peuplée,
la Chine
, compte 22 000 fois plus d’habitants que la nation la moins
peuplée, Saint-Christophe et Niévès.
▪ C’est en 1986 qu’a été enregistré le
plus grand nombre de conflits armés dans le monde depuis la fin de
la Seconde Guerre
mondiale: 37. Cette année avait pourtant été déclarée Année
internationale de la paix par les Nations unies.
▪ Trente-sept pour cent des États membres de
l’ONU comptent moins de citoyens que la “nation” internationale
que forment les Témoins de Jéhovah unis. Ce chiffre passe à 59 %
si l’on prend comme référence le nombre de personnes qui ont assisté
à la commémoration de la mort du Christ cette année.
La domination humaine -
Partie 10 -
La Théocratie
Théocratie: des termes grecs “théos”
(dieu) et “kratos” (puissance); mode de domination dans laquelle la
direction ou l’administration est assurée par Dieu, parfois par
l’intermédiaire de représentants nommés.
SI VOUS aviez les moyens de vous offrir un collier
de perles ou un diamant, vous contenteriez-vous d’imitations?
Probablement pas, à moins que l’on vous fasse croire qu’il
n’existe rien de mieux.
En matière de gouvernement, des centaines de
millions de personnes sont trompées: on leur fait croire qu’elles
profitent de ce qu’il y a de mieux, alors qu’on ne leur présente en
fait que de médiocres imitations. Dès lors, faut-il s’étonner
qu’elles soient déçues et frustrées?
La quête d’un
bon gouvernement
En 1922, l’anglican William Ralph Inge, doyen de
la cathédrale Saint Paul de Londres, écrivait qu’“un bon
gouvernement reste la plus grande bénédiction de l’homme, et aucune
nation n’en a jamais eu”. Pourquoi?
John Kennedy, 35e président des États-Unis,
a donné une partie de la réponse en déclarant qu’“aucun
gouvernement n’est meilleur que les hommes qui le composent”. Étant
donné que même l’homme politique le plus doué est imparfait, tout
gouvernement d’origine humaine est voué à l’échec.
Philip Massinger, dramaturge du XVIIe siècle,
avait raison d’écrire que “celui qui veut gouverner les autres
devrait d’abord être maître de sa destinée”. Mais quel homme, du
fait de son imperfection, peut se dire totalement maître de sa vie? En
réalité, aucun homme politique ne possède assez de connaissances et
de sagesse pour maîtriser les événements et assurer ne serait-ce que
son propre bonheur; combien moins, alors, celui de millions de ses
semblables! Par ailleurs, quand bien même il ne prendrait que de bonnes
décisions, il n’aurait pas le pouvoir de les exécuter.
Conscient du problème, l’essayiste américain
Brooks Atkinson écrivait en 1951: “Ce dont nous avons besoin à notre
tête, c’est de supermen — il y a tant à faire et le besoin de
sages décisions est si pressant! Mais, hélas! ajoutait-il, les
supermen n’existent pas.” Quarante ans plus tard, ils n’existent
toujours pas.
En fait, il n’entrait pas dans le dessein de Dieu
que les hommes se dirigent eux-mêmes. S’ils veulent jouir d’un
gouvernement parfait, c’est plus que de “supermen” dont les hommes
ont besoin. La solution, c’est la théocratie, la domination divine.
Quel genre de
théocratie?
La théocratie est le mode de gouvernement qui
fonctionnait en Éden, le jardin où Dieu avait placé le premier couple
humain. En sa qualité de Souverain légitime, Dieu administrait alors
les affaires et exerçait l’autorité.
Lorsque, voilà environ 19 siècles,
l’historien juif Flavius Josèphe forgea le mot grec rendu par “théocratie”,
il le fit en référence à l’antique nation d’Israël. Cette désignation
était correcte, car Israël était à l’époque une nation choisie
par Dieu. Bien qu’Il exerçât son autorité par l’intermédiaire de
représentants humains, ce n’en était pas moins Dieu qui dirigeait la
nation. — Deutéronome 7:6; 1 Chroniques
29:23.
Lorsque le terme “théocratie” fut introduit
dans d’autres langues, il conserva essentiellement le sens que lui
avait donné Josèphe. Du moins au début. Par la suite, en effet, il
prit d’autres connotations. Selon une encyclopédie des religions, il
a été “appliqué à des cas aussi divers que l’Égypte des
pharaons, l’Israël antique, la chrétienté médiévale, le
calvinisme, l’islam et le bouddhisme tibétain”.
L’historien W. Warren ajoute qu’il y eut
“dans la monarchie anglaise un élément de royauté théocratique: le
roi présenté comme le principal instrument de Dieu pour diriger le
monde, comme son représentant et son juge”. À l’époque moderne,
le mot a même servi à exprimer ce que Dewey Wallace Jr, de
l’Université George Washington, appelle “le mépris ‘éclairé’
pour les sociétés dominées par le clergé”.
Le sens élargi donné aujourd’hui à ce terme
explique l’existence d’une grande variété de théocraties. Mais
quelle est celle dont nous avons besoin?
Des contrefaçons
Le premier gouvernement humain de l’Histoire fut
fondé il y a 4 000 ans environ par Nimrod. Cet arrière-petit-fils
de Noé se proclama roi et devint, pour reprendre l’expression de
la Bible
, “un puissant chasseur en opposition avec Jéhovah”. (Genèse 10:8,
9.) Ce faisant, Nimrod s’érigea en dieu politique. Dans cette
position, il bénéficiait du soutien du principal adversaire de Dieu,
le faux dieu Satan le Diable (2 Corinthiens 4:4). La domination de Nimrod était donc une
contrefaçon de la véritable théocratie.
Après qu’ils eurent été dispersés sur toute
la terre, les sujets de l’empire de Nimrod continuèrent à considérer
leurs gouvernements comme théocratiques, c’est-à-dire comme détenteurs
d’une autorité conférée par le ou les dieux qu’ils adoraient (Genèse
11:1-9). C’est ainsi que, d’après l’Encyclopédie des
religions (angl.), la théocratie en vint à “désigner cette
phase initiale de l’antique civilisation orientale pendant laquelle il
n’y avait aucune distinction entre la religion et l’État”.
Dans certaines cultures, celle de l’Égypte des
pharaons par exemple, le roi passait pour être l’époux d’une
grande déesse ou le fils d’un dieu. Dans d’autres, il était peu
question de son ascendance ou de ses attributs divins, mais l’accent
était mis sur le fait qu’il avait été choisi par la divinité. Le
livre Histoire de l’idéologie politique
(angl.) explique qu’en Grèce, à partir d’Alexandre, le roi fut élevé
au rang de dieu “parce qu’il apportait l’harmonie à son royaume
comme Dieu apporte l’harmonie dans le monde”. On lit plus loin:
“Il possédait une divinité qui le différenciait de l’homme du
peuple. Tout usurpateur qui prétendait à la fonction suprême sans le
soutien du ciel allait au désastre.”
L’idée selon laquelle le roi était divin se
retrouva au cours de l’ère dite chrétienne. Son prestige s’accrut
après la conversion au catholicisme des tribus teutonnes. Son
couronnement par l’Église laissait entendre qu’il avait été
choisi par Dieu lui-même. C’est à partir de là que se développa
peu à peu le concept de la royauté de droit divin.
Avant même l’ère “chrétienne”, les Césars
romains avaient donné une forme théocratique à leur domination en
revendiquant la divinité. Aux yeux des Romains, domination humaine et
domination divine étaient synonymes. À l’instar de celui de Nimrod,
leur mode de gouvernement était donc une contrefaçon de la pure théocratie.
Dès lors, quand, au Ier siècle, les membres du clergé
juif refusèrent de reconnaître en Jésus le futur Roi et crièrent:
“Nous n’avons de roi que César”, ils prirent ni plus ni moins
position pour une fausse théocratie et rejetèrent la théocratie
authentique prêchée par Jésus. — Jean
19:15.
Étant donné que la domination théocratique de Jéhovah
est infiniment supérieure à toute autre, il ne faut pas s’étonner
que Satan ait essayé d’en incorporer certains éléments dans ses
contrefaçons humaines. En vain. Aucune de ces prétendues théocraties
ne s’est montrée à la hauteur, tant s’en faut. En fait, pas une
seule n’a eu Dieu ou certains de Ses représentants à sa tête.
Toutes se sont révélées des imitations médiocres, des expressions de
la domination humaine imparfaite sous la coupe d’un faux dieu.
À juste titre,
la Bible
appelle ce dieu “le chef de ce monde” et “le dieu de ce système
de choses”. (Jean 12:31; 14:30;
2 Corinthiens 4:4.) Fort de cette autorité, il a pu proposer
à Jésus “tous les royaumes du monde et leur gloire”. Jésus a
rejeté énergiquement la tentation (Matthieu 4:8-10). Sachant que la véritable
théocratie est dirigée par le seul vrai Dieu, Jéhovah, il ne s’est
pas laissé abuser en acceptant des imitations humaines incapables de
manifester de façon parfaitement équilibrée les qualités divines
reflétées par le modèle.
Le gouvernement parfait
est proche
Voilà quelques années, Hugh Brogan, de
l’université d’Essex, avait déclaré que “si l’animal
politique qu’est l’homme veut se sauver, lui et sa civilisation, il
ne doit pas arrêter de chercher de nouvelles formes de gouvernement,
afin de combler ses besoins sans cesse en évolution”. C’est précisément
ce que les humains font depuis les jours de Nimrod. Mais combien de
temps devra-t-il encore s’écouler avant qu’il ne soit reconnu que
la domination humaine est tout bonnement inefficace?
Heureusement, depuis son établissement dans les
cieux en 1914, le Royaume messianique de Jéhovah conteste les réalisations
aberrantes de la domination humaine. Depuis cette date, les
gouvernements humains, bien que s’accrochant à leur place, sont en
sursis (Daniel 7:12). Nous
vivons dans la période que
la Bible
identifie aux “derniers jours”. (2 Timothée
3:1-5.) Si visible est l’écriture sur le mur — les signes —
qui annonce la destruction imminente des gouvernements humains qu’on
ne peut honnêtement l’ignorer. On peut, bien sûr, refuser d’en
tenir compte, mais il est impossible de l’effacer.
La domination théocratique exercée par le Royaume
messianique de Jéhovah est représentée dans
la Bible
en Daniel chapitre 2 par une pierre “détachée, non par des
mains”, et qui ‘frappe l’image [symbole de la domination humaine]
à ses pieds de fer et d’argile modelée et les écrase’. Cela
signifie que le Royaume de Dieu instauré va bientôt frapper la
domination humaine sous toutes ses formes et l’écraser. Dans quelle
mesure?
La Bible
répond: “Alors furent écrasés, tous ensemble, le fer, l’argile
modelée, le cuivre, l’argent et l’or, et ils devinrent comme la
bale qui s’envole de l’aire de battage d’été, et le vent les
emporta sans qu’aucune trace n’en fût trouvée.” — Daniel 2:34, 35.
Si les gouvernements mauvais de la terre doivent être
balayés au point qu’il n’en reste aucune trace, il est évident que
les partisans de la domination humaine doivent s’attendre à des
moments difficiles. Conscientes de ce fait, des millions de personnes
comprennent qu’il est sage de mettre leur confiance en quelque chose
de meilleur que la domination humaine corrompue. Seule la domination de
Jéhovah Dieu, le Créateur de l’univers, peut résoudre les problèmes
causés par des milliers d’années de mauvaise gestion. Seule
l’authentique théocratie est à même de satisfaire les besoins de
notre temps.
Nous espérons que, grâce à cette série en dix
parties “La domination humaine — L’heure du bilan”, vous aurez
pris conscience de l’importance de prendre position sur la question du
gouvernement. Mais nous souhaitons surtout que vous fassiez le bon
choix. La domination humaine a été pesée et trouvée insuffisante.
Sur quoi arrêterez-vous votre choix? Sur une vulgaire contrefaçon ou
sur le modèle? Vous rangerez-vous sous la bannière de la domination
humaine ou sous celle du vrai Dieu, Jéhovah? —
Daniel 2:44 “ Et aux jours de
ces rois-là, le Dieu du ciel établira un royaume qui ne sera jamais
supprimé. Et le royaume ne passera à aucun autre peuple. Il broiera
tous ces royaumes et y mettra fin, et lui-même subsistera pour des
temps indéfinis ; »
Matthieu 6:10 « Que ton royaume
vienne. Que ta volonté se fasse, comme dans le ciel, aussi sur la
terre. »
[Note]
Les preuves que le Royaume de Dieu a été établi
en 1914 et que le monde est entré alors dans ses derniers jours sont présentées
dans les chapitres 16 et 18 du livre Vous pouvez vivre
éternellement sur une terre qui deviendra
un paradis, publié en 1982 par
la Watchtower Bible
and Tract Society of New York, Inc.
Ce qu’accomplira la domination
théocratique de Jéhovah :
♦ Les personnes âgées retrouveront la
vigueur de la jeunesse.
Job 33:25 « Que sa chair
devienne plus fraîche que dans la jeunesse, qu’il revienne aux jours
de sa vigueur juvénile. ’ »
♦ Les guerres appartiendront au passé.
Psaume 46:9 « Il fait cesser
les guerres jusqu’à l’extrémité de la terre. L’arc, il le
brise, oui il met en pièces la lance ; il brûle les chariots au
feu. »
Isaïe 9:7 « À l’abondance
de la domination princière et à la paix il n’y aura pas de fin, sur
le trône de David et sur son royaume, pour l’établir solidement et
le soutenir par le moyen du droit et par le moyen de la justice, dès
maintenant et pour des temps indéfinis. Le zèle même de Jéhovah des
armées fera cela. »
♦ Chaque famille possédera une maison
confortable.
Isaïe 65:21 « Oui, ils bâtiront
des maisons et [les] habiteront ; oui, ils planteront des vignes et
mangeront [leurs] fruits. »
♦ Les malades et les handicapés guériront.
Isaïe 33:24 « Aucun habitant
ne dira : “ Je suis malade. ” Le peuple qui habite
dans [le pays] verra sa faute pardonnée. »
Isaïe 35:5-6 « À cette époque
s’ouvriront les yeux des aveugles, et s’ouvriront les oreilles des
sourds. 6 À cette époque le boiteux grimpera
comme le cerf, et la langue du muet poussera des cris de joie. Car des
eaux auront jailli dans le désert et des torrents dans la plaine désertique. »
♦ Les morts ressusciteront.
Isaïe 25:8 « Oui, il
engloutira la mort pour toujours ; oui, le Souverain Seigneur Jéhovah
essuiera les larmes de dessus tous les visages. Et l’opprobre de son
peuple, il l’ôtera de dessus toute la terre, car Jéhovah lui-même
[l’]a dit. »
Actes 24:15 « et j’ai [cette]
espérance envers Dieu, espérance que ces [hommes] nourrissent eux
aussi, qu’il va y avoir une résurrection tant des justes que des
injustes. »
Révélation 20:13 « Et la mer
a rendu les morts qui s’y trouvaient, et la mort et l’hadès ont
rendu les morts qui s’y trouvaient, et ils ont été jugés chacun
individuellement selon leurs actions. »
♦ La corruption, l’immoralité et la
criminalité disparaîtront.
Proverbes 2:21-22 « Car les
hommes droits sont ceux qui résideront sur la terre, et les hommes intègres
sont ceux qui y resteront. 22 Quant aux méchants,
ils seront retranchés de la terre ; et les traîtres, eux, en
seront arrachés. »
♦ Il y aura abondance de nourriture pour
tous.
Psaume 72:16 « Il y aura
abondance de grain sur la terre ; sur le sommet des montagnes, ce
sera la profusion. Son fruit sera comme au Liban, et ceux qui sont de la
ville fleuriront comme la végétation de la terre. »
Isaïe 25:6 « Oui, Jéhovah des
armées fera pour tous les peuples, dans cette montagne, un banquet de
mets ruisselants d’huile, un banquet de [vins qu’on a laissé
reposer sur leur] lie, de mets ruisselants d’huile, pleins de moelle,
de [vins qu’on a laissé reposer sur leur] lie [et qu’on a] filtrés. »
♦ Les hommes vivront de nouveau en paix
avec les animaux.
Isaïe 11:6-9 « Oui, le loup résidera
quelque temps avec l’agneau, et le léopard se couchera avec le
chevreau, et le veau et le jeune lion à crinière et l’animal bien
nourri, tous ensemble ; et un petit garçon les conduira. 7 La
vache et l’ourse pâtureront ; ensemble se coucheront leurs
petits. Et même le lion mangera de la paille comme le taureau. 8 Oui,
le nourrisson jouera sur le trou du cobra ; et sur la lucarne du
serpent venimeux l’enfant sevré mettra vraiment sa main. 9 On
ne fera aucun mal et on ne causera aucun ravage dans toute ma montagne
sainte, car vraiment la terre sera remplie de la connaissance de Jéhovah
comme les eaux recouvrent la mer. »
Ézékiel 34:25“ ‘ “ « Oui,
je conclurai avec elles une alliance de paix et, à coup sûr, je ferai
disparaître du pays la bête sauvage néfaste ; vraiment elles
habiteront dans le désert en sécurité et dormiront dans les forêts. »
♦ Tout le monde aura un travail intéressant
et satisfaisant.
Isaïe 65:22-23 « Ils ne bâtiront
pas pour qu’un autre habite, ils ne planteront pas pour qu’un autre
mange. Car les jours de mon peuple seront comme les jours d’un arbre ;
et ceux que j’ai choisis profiteront pleinement de l’œuvre de leurs
mains. 23 Ils ne peineront pas pour rien, ils
n’auront pas des enfants pour le trouble ; car ils sont la
descendance composée des bénis de Jéhovah, et leur lignée avec eux. »
♦ La terre sera transformée en un immense
paradis.
Isaïe 35:1 « Le désert et la
région aride exulteront, la plaine désertique sera joyeuse et fleurira
comme le safran. »
Isaïe 35:6-7 « À cette époque
le boiteux grimpera comme le cerf, et la langue du muet poussera des
cris de joie. Car des eaux auront jailli dans le désert et des torrents
dans la plaine désertique. 7 Le sol torride sera
devenu comme un étang couvert de roseaux, le sol desséché comme des
sources d’eau. Dans la demeure des chacals, lieu de repos pour [eux],
il y aura de l’herbe verte avec des roseaux et du papyrus. »
Luc 23:43 « Et il lui dit :
“ Vraiment, je te le dis aujourd’hui : Tu seras avec moi
dans le Paradis. ”
Ce ne sont pas là des promesses politiques vides
de sens faites par des hommes. Ces promesses viennent de Dieu, et “il
est impossible à Dieu de mentir”.
Hébreux 6:18.